Les chefs terroristes et leurs associés ne doivent pas être autorisés à écrire le prochain chapitre de l’histoire d’Haïti.
Comment s’attaquer aux gangs en Haïti How to Take on Haiti’s Gangs | Foreign Affairs
Les Etats-Unis peuvent faire plus pour créer la stabilité et favoriser la démocratie
Haïti s’attaque enfin à sa profonde crise de leadership. Pendant plus d’une douzaine d’années, les dirigeants haïtiens ont démantelé les institutions démocratiques et se sont appuyés sur la corruption et les gangs pour maintenir leur contrôle. Après l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, Ariel Henry, profondément impopulaire parmi les Haïtiens, est devenu premier ministre avec l’aide de la communauté internationale. Son maintien précaire au pouvoir a donné lieu à des actes de sabotage et de violence de plus en plus éhontés de la part de gangs de rue étonnamment bien armés et de plus en plus indépendants, qui se disputent le territoire et la domination.
Début mars, les gangs se sont unis pour déclarer la guerre à l’État, attaquant l’aéroport, les postes de police et les bâtiments gouvernementaux. Le 11 mars, M. Henry a annoncé qu’il démissionnerait après que les gangs eurent fermé l’aéroport principal et l’eurent empêché de rentrer en Haïti après un voyage au Kenya.
Aujourd’hui, les gangs interviennent pour combler le vide du pouvoir. Ils prétendent représenter le peuple, mais la réalité sur le terrain est tout autre. Dans au moins un quartier de la capitale, Port-au-Prince, des gangs en lutte contre la police sont allés de maison en maison pour demander aux gens de déverrouiller leurs portes afin que les membres des gangs puissent, à tout moment, courir à l’intérieur et utiliser les résidents comme boucliers humains.
Un peu partout à Port-au-Prince, des groupes armés pillent les commerces et incendient les maisons. Leur violence touche tout ce qui est à leur portée. Outre les bâtiments gouvernementaux, les gangs ont détruit ou gravement endommagé un centre pour enfants handicapés, des pharmacies et des cliniques médicales. Dans la majeure partie de la capitale, les banques sont fermées, les gens ne peuvent donc pas obtenir d’argent ; les hôpitaux ne sont pas opérationnels, les gens ne peuvent donc pas être soignés ; et les policiers ne patrouillent pas dans les rues, il n’y a donc personne pour appeler à l’aide. Selon les Nations unies, la famine est à portée de main pour 1,6 million des 11 millions d’habitants d’Haïti.
Pourtant, il pourrait également s’agir d’un moment de changement transformateur en Haïti. Depuis la démission de M. Henry, des négociations fiévreuses sont en cours entre les dirigeants haïtiens pour déterminer les paramètres et la composition d’un gouvernement de transition. Après des années de frustration et de désespoir, l’espoir est permis de voir Haïti se doter enfin d’un gouvernement engagé dans l’avenir démocratique du pays.
Mais cette opportunité ne pourra se concrétiser que si les États-Unis, qui ont longtemps joué un rôle décisif dans la politique haïtienne, travaillent avec les démocrates haïtiens de manière
prudente et constructive, et évitent de répéter les erreurs qu’ils ont commises dans le passé. Cela signifie ne pas s’associer à des criminels et ne pas soutenir des dirigeants corrompus. Les États-Unis ont cédé le rôle d’intermédiaire dans les négociations à la Communauté des Caraïbes (CARICOM), un bloc commercial régional. Mais le processus actuel risque de mettre au pouvoir des personnes ayant des liens étroits avec les gangs. Les États-Unis devraient jouer un rôle plus énergique et plus important pour soutenir les dirigeants haïtiens au sein du conseil présidentiel et s’assurer que le premier ministre et les ministres qui prendront la tête du nouveau gouvernement sont des personnes intègres, compétentes et qui n’ont pas de liens avec les gangs armés. Une force de sécurité internationale pourrait s’avérer nécessaire pour mettre en place le gouvernement de transition et faire face au contrôle de la capitale par
les gangs. Il ne faut pas laisser les chefs de gangs écrire le prochain chapitre de l’histoire d’Haïti.
Henry est arrivé au pouvoir après l’assassinat choquant de Moïse en juillet 2021. Après l’assassinat de Moïse, de nombreux Haïtiens ont réclamé un gouvernement de transition neutre pour guider leur pays vers des élections libres et équitables. Mais le soutien international a permis à M. Henry – qui avait été nommé premier ministre par M. Moïse peu avant sa mort mais n’avait pas prêté serment – d’accéder au pouvoir. Il a promis d’organiser de nouvelles élections présidentielles et de créer une structure gouvernementale plus représentative, mais n’a accompli ni l’un ni l’autre. Le gouvernement américain l’a cependant soutenu, résistant à l’appel de la société civile en faveur d’un gouvernement plus large, engagé dans l’assainissement des institutions, la lutte contre les gangs et l’organisation d’élections équitables.
Au cours des 40 dernières années, Haïti a connu deux fois des gouvernements de transition réussis. La première fois, c’était en 1990, après qu’une série de chefs militaires aient échoué à organiser des élections. La transition était dirigée par Ertha Pascal-Trouillot, juge à la Cour suprême d’Haïti. La seconde a été menée par Boniface Alexandre, un autre juge de la Cour suprême, qui a pris la relève après l’éviction de Jean-Bertrand Aristide du pouvoir en 2004. Alexandre a été président jusqu’en 2006. Les deux fois, les gouvernements de transition étaient composés de personnalités unificatrices capables de stabiliser le pays.
Ils ont organisé des élections qui ont suscité la participation populaire et produit des résultats incontestés. Mais les décideurs politiques américains, qui ont aidé à guider ces gouvernements, ne se sont jamais concentrés sur la mise en place d’institutions à long terme qui auraient permis d’éviter l’effondrement politique. Au lieu de cela, ils ont donné la priorité à l’attraction des investissements étrangers en Haïti et au soutien des programmes des organisations non gouvernementales (ONG) internationales, dont la plupart ont fini par échouer, tout comme l’État haïtien.