
Par Roromme Chantal
Enseignant-chercheur de sciences politiques à l’École des hautes études publiques de l’Université de Moncton
Entre fin avril et mai, la bataille épique entre les gangs « 400 Mawozo » (400 idiots) et « Chen Mechan » (chiens enragés) ont entraîné la mort de deux cents personnes dans la plaine du Cul-de-Sac, où se trouve la commune de Croix-des-Bouquets, au nord-est de Port-au-Prince, la capitale d’Haïti. Dimanche, un inspecteur de police de 45 ans, Réginal Laleau, affecté au commissariat de la ville, a été assassiné par des bandits armés du groupe « 400 Mawozo », dans l’enceinte même de l’église où il venait d’assister à un culte matinal.
Ces meurtres horribles ont ramené le pays à des niveaux d’homicides jamais vus depuis le milieu de la décennie 1980, lorsque la dictature des Duvalier était violemment renversée, voire depuis l’indépendance du pays en 1804. En plus des personnes tuées, des dizaines de maisons ont également été détruites. Certaines ont même été incendiées avec des habitants à l’intérieur, selon les rapports de plusieurs organismes de droits humains œuvrant en Haïti.
Plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient déjà été déplacées au cours des derniers mois, parmi lesquelles de nombreuses femmes et filles ont été violées à plusieurs reprises par des membres de gangs. Ces derniers bloquent fréquemment les routes nationales, kidnappent les passagers et détournent les camions de marchandises à leur profit ou contre rançon.
Un nouveau sommet
Ce mois de juillet, les meurtres avait déjà atteint un nouveau sommet. En date du 13 juillet, le Réseau national de défense des droits humains RNDDH recensait environ 300 personnes tuées et 160 blessées. Privés de nourriture et de soins médicaux, les habitants restent piégés chez eux et subissent impuissants l’assaut des bandits. Ils ne peuvent pas vaquer à leurs activités habituelles, dans un pays caractérisé par l’excroissance du secteur informel.
Sans compter la douzaine de massacres qui ont eu lieu en Haïti au cours des quatre dernières années… Comme celui de la nuit du 13 au 14 novembre 2018, où un gang réputé proche du président d’alors, Jovenel Moïse, avait massacré plus de 70 personnes dans le quartier populeux de La Saline, à Port-au-Prince.
Environ 343 personnes étaient tuées durant le seul premier trimestre de 2020. Depuis, le taux d’homicide n’a cessé d’augmenter. Selon l’Observatoire Haïtien des Crimes contre l’Humanité et l’International Human Rights Clinic de l’Université Harvard, plusieurs de ces massacres sont des crimes contre l’humanité.