Vols des corps du délit et pièces à conviction au palais de justice : Le RNDDH exige une enquête minutieuse et la condamnation des coupables
SOMMAIRE
Résumé 2
I. INTRODUCTION 3
II. METHODOLOGIE 3
III. QUID DU CORPS DU DELIT ET DE LA PIECE A CONVICTION? 4
IV. ORGANISATION DE LA GARDE DES CORPS DU DELIT AU NIVEAU DE LA JURIDICTION DE PREMIERE INSTANCE DE PORT-AU-PRINCE 5
a) Organisation de la sécurité du palais de Justice de Port-au-Prince 5 b) Réception des dossiers par le palais de Justice de Port-au-Prince 6 c) Garde des corps du délit et pièces à conviction au Parquet 6
d) Garde des corps du délit et pièces à conviction au Tribunal de première instance, avant leur transmission à un Cabinet d’instruction 7
e) Garde des corps du délit et pièces à conviction dans les cabinets d’instruction 8
f) Garde des effets personnels des parties impliquées dans les dossiers en cours 8
V. POINTS DE VUE DES AUTORITES JUDICIAIRES AUTOUR DES VOLS REPETES AU PALAIS DE JUSTICE DE PORT-AU-PRINCE 9
a) Points de vue de certains magistrats-tes sur les vols en cascade enregistrés 9
b) Points de vue de certains greffiers sur les vols répétés au palais de justice
VI. BILAN DES VOLS ENREGISTRES AU PALAIS DE JUSTICE DE PORT-AU-PRINCE DE 2018 A 2020
VII. MESURES PRISES PAR LES AUTORITES JUDICIAIRES
VIII. COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS
Résumé
1. Le 19 octobre 2020, des corps du délit constituant le dossier relatif à l’assassinat de Maître Monferrier DORVAL ont été volés.
2. Dans le souci d’élucider les circonstances de ce vol, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a diligenté une enquête au palais de Justice de Port-au-Prince.
3. Au cours de cette enquête, des informations alarmantes relatives aux objets saisis, confisqués par la police judiciaire et transmis aux autorités de la Justice, ont été recueillies. Ces informations révèlent une absence totale de stratégie quant à la garde et la préservation des corps du délit, pièces à conviction et objets personnels des parties impliquées dans les différents dossiers en cours dans la juridiction.
4. En effet, de mars 2018 à octobre 2020, au moins 23 vols et tentatives de vol ont été perpétrés au palais de Justice de Port-au-Prince. Greffe du Parquet, Cabinets d’instruction de la plupart des magistrats-tes, Greffe des cabinets d’instruction, Greffe principal : aucun espace n’a, à date, été épargné.
5. Dans 17 de ces cas de vol, aucune trace d’effraction sur les portes donnant accès aux espaces où étaient gardés ces dossiers, n’a été enregistrée. Ceci révèle que ces objets ont été subtilisés par des membres du personnel administratif et judiciaire affectés au palais de Justice de Port-au-Prince, ou avec leur complicité.
6. Par ailleurs, entre 2016 et 2017, des caméras avaient été installées dans certains espaces du palais de Justice de Port-au-Prince. Certaines d’entre elles ont sciemment été endommagées et les autres, enlevées sur exigence des magistrats-tes.
7. Les 24 agents de sécurité du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, renforcés par les 20 agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH), tous affectés audit palais de Justice semblent ne pas pouvoir sécuriser l’espace. Et, en dépit du fait qu’il s’agit de vols d’éléments cruciaux, et à la limite incontournables, devant aider à la manifestation de la vérité, aucun de ces cas n’a abouti à la condamnation des personnes impliquées.
8. Sur la base de ces informations, le RNDDH recommande aux autorités concernées de :
Organiser la garde et la préservation des corps du délit, pièces à conviction et effets personnels des parties impliquées dans les dossiers, tant au Parquet qu’au Tribunal de première instance de Port- au-Prince ;
Prendre toutes les mesures en vue de sécuriser efficacement les locaux du palais de Justice de Port-au-Prince ;
Enregistrer méticuleusement les corps du délit, pièces à conviction et objets personnels confisqués ;
Sécuriser et vérifier régulièrement les corps du délit, pièces à conviction et objets personnels confisqués ;
Enquêter sur tous les cas de vol enregistrés au palais de Justice de Port-au-Prince et poursuivre tous ceux et toutes celles qui y sont impliqués ;
Prendre toutes les dispositions qui s’imposent en vue de mettre fin à ces vols en cascade de corps du délit, pièces à conviction et objets personnels des parties impliquées dans les dossiers en cours ;
Fournir aux greffes du palais de Justice de Port-au-Prince des matériels et équipements de qualité, résistants aux flammes.
I. INTRODUCTION
1. Au cours de ces dernières années, plusieurs cas de disparition de corps du délit, de pièces à conviction et même d’objets personnels saisis ou confisqués par la police judiciaire et transmis aux autorités de la Justice, ont été enregistrés dans la juridiction de première instance de Port-au-Prince.
2. Cependant, l’attention du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a particulièrement été attirée par le dernier vol perpétré au palais de Justice de Port-au-Prince le 19 octobre 2020 au cours duquel, une partie du dossier relatif à l’assassinat de Maître Monferrier DORVAL1, a été emportée.
3. Si ce jour-là, aucune trace d’effraction n’a été constatée à la porte du Greffe des cabinets d’instruction, selon les informations recueillies, deux (2) tiroirs d’un (1) classeur métallique ont été défoncés et leur contenu, envolé. Ils renfermaient respectivement une petite valise avec six (6) téléphones portables et une (1) enveloppe contenant plus de cent cinquante mille (150.000) gourdes.
4. Suite à ce vol, le RNDDH a diligenté une enquête autour de l’organisation de la garde et de la préservation des dossiers au palais de Justice de Port-au-Prince. Le rapport suivant présente les conclusions de ses investigations sur la question.
II. METHODOLOGIE
5. Dans le cadre de cette enquête, le RNDDH s’est rendu au palais de Justice de Port-au-Prince où il s’est entretenu à plusieurs reprises avec les personnes suivantes :
Le doyen du Tribunal de première instance de Port-au-Prince, Maître Bernard SAINVIL;
Le commissaire du gouvernement, Maître Gabriel DUCARMEL ;
Le greffier en chef du Tribunal de première instance de Port-au-Prince, Mozart TASSY;
L’administrateur du Parquet, Jacques Edouard ACCILIEN ;
Le commis-parquet en chef, Wilbert RHAU.
6. Le RNDDH s’est aussi entretenu avec :
Sept (7) magistrats-tes instructeurs ;
Un (1) substitut commissaire du gouvernement ;
Deux (2) juges de paix affectés au Tribunal de paix de Port-au-Prince, section Sud ;
Quatorze (14) greffiers-ères ;
Deux (2) commis-parquet ;
Deux (2) avocats-tes.
7. Au cours de ces entretiens, le RNDDH a eu accès à certains procès-verbaux dressés par les magistrats de paix, constatant et/ou verbalisant les cas de vol enregistrés au palais de Justice de Port-au-Prince.
8. Par la suite, les espaces des différents Greffes ainsi que certains Cabinets d’instruction ont été visités et photographiés.
III. QUID DU CORPS DU DELIT2 ET DE LA PIECE A CONVICTION3 ?
9. Le corps du délit constitue l’objet de l’infraction, c’est à dire, la chose qui prouve qu’effectivement un acte délictueux a été perpétré.
10. Il peut s’agir de l’objet qui a été utilisé pour la commission de l’infraction mais aussi, de choses engendrées par le délit perpétré, c’est-à-dire le produit de l’infraction. Tel est le cas par exemple de la chose volée, de l’argent constituant la rançon, dans un cas d’enlèvement contre rançon, du couteau qui a aidé à la perpétration de l’assassinat ou du cadavre de la victime d’un assassinat ou d’un meurtre.
11. L’article 22 du Code d’Instruction Criminelle en vigueur consacre l’importance du corps du délit dans la manifestation de la vérité. Cet article stipule : « Dans tous les cas de flagrant délit, lorsque le fait sera de nature à entraîner une peine afflictive ou infamante, le commissaire du gouvernement se transportera, s’il est possible, sur le lieu, sans aucun retard, pour y dresser les procès-verbaux nécessaires à l’e ff e t de c ons tate r le c or ps du dé li t, son état, l’état des lieux, et pour recevoir les déclarations des personnes qui auraient été présentes, ou qui auraient des renseignements à donner.»
12. De plus, selon l’article 10 du Code Pénal haïtien, les corps du délit peuvent être l’objet d’une confiscation spéciale, constituant une peine, devant être prononcée par le Tribunal. En effet, l’article en question précise que : « L’amende et la confiscation spéciale, soit du corps du délit, quand la propriété en appartient au condamné, soit des choses produites par le délit, soit de celles qui ont servi ou qui ont été destinées à le commettre, sont des peines communes aux matières criminelles et correctionnelles »
13. Pour sa part, la pièce à conviction réfère à tout objet ou matériel qui permet d’aboutir à la conclusion d’une enquête judiciaire et à l’implication de l’accusé-e dans la perpétration de l’acte. La pièce à conviction lie l’accusé-e à l’acte perpétré.
14. Les pièces à conviction sont utilisées à toutes les phases de l’instruction ouverte contre les personnes en conflit avec la loi, jusqu’au prononcé des décisions de justice. C’est en ce sens que le Code d’Instruction Criminelle précise que :
« S’il existe dans le domicile du prévenu, des papiers ou effets qui puissent servir à conviction …, le commissaire du gouvernement en dressera procès-verbal et se saisira desdits effets ou papiers.» (Article 27)
« L’instruction sera publique, à peine de nullité. Le Ministère public, la partie civile ou son défenseur exposeront l’affaire ; Les procès-verbaux ou rapports, s’il en a été dressé, seront lus par le greffier ; Les témoins pour et contre seront entendus, s’il y a lieu et les reproches proposés et jugés ; Les pièces pouvant servir à conviction … seront représentées aux témoins et aux parties ; … » (Article 166)
« Dans le cours ou à la suite des dépositions, le doyen du Tribunal criminel fera représenter à l’accusé toutes les pièces relatives au délit et pouvant servir à conviction; il l’interpellera de répondre personnellement s’il les reconnaît : le Doyen du Tribunal criminel les fera aussi représenter aux témoins, s’il y a lieu. » (Article 262).
15. Ainsi, à la lumière de ces différents articles du Code Pénal Haïtien et du Code d’Instruction Criminelle, les corps du délit et pièces à conviction revêtent une importance particulière pour la manifestation de la vérité. Leur saisie, confiscation et préservation sont à la charge des autorités judiciaires ou tous autres dépositaires par eux désignés. Ils participent dans le processus visant au respect des droits aux garanties judiciaires, contribuant ainsi à rendre justice à qui justice est due.
IV. ORGANISATION DE LA GARDE DES CORPS DU DELIT AU NIVEAU DE LA JURIDICTION DE PREMIERE INSTANCE DE PORT–AU-PRINCE
a) Organisation de la sécurité du palais de Justice de Port-au-Prince
16. Le Parquet compte à son service huit (8) agents de sécurité. Deux (2) d’entre eux assurent la surveillance de nuit.
17. Seize (16) agents de sécurité distincts des premiers sont, pour leur part, affectés au Tribunal de première instance de Port-au-Prince. Un (1) d’entre eux est responsable de la surveillance nocturne.
18. Ces vingt-quatre (24) agents sont recrutés par le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique. Ils disposent d’armes à feu qui, semble-t-il, constituent le seul matériel jugé obligatoire à être mis à leur disposition, pour l’exécution de leurs tâches. Ils portent un uniforme qui permet facilement de les identifier. Cependant, souvent, quelques-uns parmi eux circulent en civil dans l’enceinte du palais de Justice et dans ces cas, il n’est pas aisé de savoir s’ils sont en poste ou non.
19. De plus, vingt (20) agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) complètent le corps de sécurité du palais de Justice de Port-au-Prince. Ils sont présents de jour comme de nuit.
b) Réception des dossiers au palais de Justice de Port-au-Prince
20. De manière générale, les dossiers en provenance de l’institution policière sont reçus au Greffe 2 du Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince. Ce Greffe est chargé de les transférer, ensemble toutes les pièces reçues, à la Cellule d’Administration et de Traitement (CAT). Il s’agit d’une instance où sont affectés des parquetiers-ères, travaillant par roulement et appelés à faire un premier traitement des dossiers.
21. Par la suite, la CAT avec la mention du substitut désigné pour les traiter, à procéder à leur distribution
LES CORPS DU DÉLIT, PIÈCES À CONVICTION ET TOUS AUTRES OBJETS CONSTITUANT LES DOSSIERS SONT GARDÉS AU PARQUET, DANS UN DÉSORDRE INIMAGINABLE. RETOURNE LES DOSSIERS AU GREFFE 2, COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT CHARGE PAR LE GREFFE 2 DE AUX PARQUETIERS DÉSIGNÉS.
22. Les dossiers qui parviennent scellés ou agrafés au Greffe 2 font leur parcours dans l’état où ils ont été reçus. Des fois, c’est le Parquet lui-même qui ferme les dossiers dans des enveloppes, lorsque cela est possible, dépendamment de la nature des objets les constituant.
23. Il n’existe, selon les commis-parquet, aucun formalisme pour la réception des dossiers de la part l’institution policière. Tous objets dont des armes à feu sont recueillis, manipulés par les commis-parquet ou par n’importe quel autre membre du personnel judiciaire.
24. Après le traitement des dossiers, ceux qui sont classés sans suite sont gardés au niveau du Parquet. Ceux qui donnent lieu à des poursuites judiciaires sont alors transférés au Greffe 1 du Parquet pour leur communication au Cabinet d’instruction quand il s’agit de cas exigeant une instruction judiciaire. Pour les dossiers devant donner lieu à des citations au correctionnel, ils sont directement acheminés au Greffe Pénal qui est chargé exclusivement et tel que son nom l’indique, des affaires correctionnelles et criminelles.
25. Les dossiers devant être transférés pour instruction judiciaire sont pour leur part, communiqués au Greffe des cabinets d’instruction où ils sont reçus par le responsable de ce Greffe.
c) Garde des corps du délit et pièces à conviction au Parquet
26. Selon les informations collectées, deux (2) salles contiguës, dont l’une plus exiguë que l’autre, constituent le Greffe 1 du Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince. C’est là que sont gardés les corps du délit, les pièces à conviction ainsi que les objets appartenant en propre aux victimes et/ou aux individus poursuivis et écroués pour la plupart.
27. Le Greffe 1 du Parquet dispose de seize (16) classeurs, de sept (7) armoires métalliques et d’une
28. Les objets qui ne peuvent être rangés dans les tiroirs des classeurs ou dans les armoires en raison de leur taille, sont étalés à même le sol. Cependant, les tableaux constituant des corps du délit et/ou pièces à conviction sont fixés au mur de la salle 1 du Greffe 1 du Parquet.
29. Le Parquet compte aussi un (1) coffre-fort installé au Greffe 1 où sont gardés les objets considérés comme étant précieux tels que bijoux, argent, etc. Une combinaison y donne accès. Elle n’est connue que de deux (2) personnes, le commis-parquet en chef et un autre commis-parquet à qui il a décidé de confier cette combinaison, pour le cas où il serait un jour empêché.
30. Cependant, aucun registre ne fournit les détails relatifs aux objets précieux qui sont gardés dans le coffre-fort en question. Toutefois, il convient de souligner qu’à date, il n’a jamais été endommagé.
31. Selon les commis-parquet rencontrés, souvent, les autorités judiciaires ne se rendent compte de l’absence d’un objet ou d’une pièce dans un dossier, que lorsqu’il est question de suivis judiciaires. En effet, il sévit au Parquet un désordre inimaginable
que les différentes photos ne peuvent vraiment pas refléter.
AUCUN REGISTRE TENU À JOUR N’INDIQUE LE CONTENU DES CLASSEURS ET DES COFFRES FORTS AU PALAIS DE JUSTICE DE PORT-AU-PRINCE RENCONTRÉS, SOUVENT, LES AUTORITÉS DE L’ABSENCE D’UN OBJET OU D’UNE LORSQU’IL EST QUESTION DE SUIVIS PARQUET UN DÉSORDRE INIMAGINABLE PEUVENT VRAIMENT PAS REFLÉTER.
d) Garde des corps du délit et pièces à conviction au Tribunal de première instance, avant leur transmission à un Cabinet d’instruction
32. Les dossiers reçus du Parquet, souvent non scellés et rarement agrafés, transitent d’abord par le Greffe des cabinets d’instruction qui est constitué d’un espace exigu où deux (2) armoires et six (6) classeurs métalliques de dimensions différentes, servent à conserver les corps du délit, pièces à conviction, tous autres objets constituant les dossiers reçus ainsi que les différents registres du Tribunal.
33. Le Greffe des cabinets d’instrution compte aussi un (1) coffre-fort où sont conservés les objets de grande valeur qui ont été transférés, avec les dossiers.
34. Suite à une tentative de vol enregistrée dans la nuit du 16 au 17 mai 2019, la serrure de ce coffre-fort a été endommagée. Les démarches visant à le faire réparer n’ont pas abouti, les artisans contactés en ce sens ayant sollicité un montant de cent mille (100.000) gourdes pour les travaux y relatifs. Depuis, les dossiers qui s’y trouvaient n’ont jamais été extraits pour les suivis nécessaires.
35. La combinaison du coffre-fort installé au Greffe des cabinets d’instruction est connue par le greffier en chef et le responsable du Greffe en question.
36. Au bureau du doyen se trouve un classeur où sont maintenant gardés, avec l’autorisation de celui-ci, les objets de valeur, le coffre-fort du Greffe des cabinets d’instruction étant hors service. Toutefois, comme pour le Parquet, aucun registre tenu à jour n’existe quant au contenu de ce classeur.
37. Ainsi, les dossiers reçus du Parquet restent au Greffe des cabinets d’instruction jusqu’à la désignation par le doyen d’un magistrat-te instructeur appelé à enquêter sur l’affaire.
e) Garde des corps du délit et pièces à conviction dans les cabinets d’instruction
38. A la transmission des dossiers aux cabinets d’instruction, les corps du délit ainsi que les pièces à conviction sont généralement communiqués en même temps. Les chambres d’instruction criminelle sont dotées de classeurs métalliques avec serrure, dans lesquels sont placés les dossiers dont les magistrats-tes instructeurs ont la charge.
39. Le fait par les dossiers de ne pas être scellés ou même tout simplement agrafés n’empêche pas aux magistrats-tes instructeurs de les recevoir.
40. Lorsqu’il est impossible de les insérer dans les classeurs, les corps du délit, pièces à conviction, objets personnels des parties impliquées dans les dossiers, sont déposés dans un coin du cabinet.
41. Toutefois, si certains juges acceptent de prendre à leur charge les corps de délit et pièces à conviction, d’autres refusent catégoriquement de les garder dans leur chambre
d’instruction criminelle pour des raisons de sécurité. Dans ces cas, toutes les pièces des dossiers dont ils ont la charge sont stockées au Greffe des cabinets d’instruction.
AUCUNE VÉRIFICATION ROUTINIÈRE PIÈCES À CONVICTION, D’AUTRES LES GARDER DANS LEUR CHAMBRE DES RAISONS DE SÉCURITÉ. DANS CES DOSSIERS DONT ILS ONT LA CHARGE SONT STOCKÉES AU GREFFE DES CABINETS D’INSTRUCTION.
42. Il a aussi été rapporté au RNDDH qu’au moins un cabinet d’instruction a décidé de faire garder les corps du délit et pièces à conviction qui lui sont communiqués, au Greffe principal, dont Tassy MOZART est le responsable. Il s’agit de la magistrate Godely JOSEPH.
f) Garde des effets personnels des parties impliquées dans les dossiers en cours
43. Selon les informations recueillies, les effets personnels des individus arrêtés et écroués aux ordres de la Justice, gardés par les autorités judiciaires en attente de jugement, sont la plupart du temps volés. Il s’agit généralement de bijoux et de fortes sommes d’argent. Ils ne sont que rarement – sinon jamais – remis aux personnes concernées.
V. POINTS DE VUE DES AUTORITES JUDICIAIRES AUTOUR DES VOLS REPETES AU PALAIS DE JUSTICE DE PORT–AU-PRINCE
a) Points de vue de certains magistrats-tes sur les vols en cascade enregistrés
44. Selon des magistrats-tes rencontrés dans le cadre de cette enquête, un cabinet peut être vandalisé sans que le magistrat-te ne s’en rende compte, sauf au moment de réaliser un suivi dans un dossier. Cette affirmation révèle qu’aucune vérification routinière des corps du délit, pièces à conviction et même des effets personnels des individus poursuivis, n’est effectuée au palais de Justice de Port-au-Prince.
45. Ils estiment très préoccupant que ceux qui emportent aussi facilement les objets des dossiers semblent clairement appartenir à l’univers du palais de Justice car, ils connaissent l’espace, ont une bonne connaissance de l’emplacement de ces dossiers et peuvent se rendre partout dans l’enceinte du Tribunal, sans commettre d’effraction.
DES MAGISTRATS SONT PARTICULIÈREMENT INQUIETS DU FAIT QUE CEUX QUI EMPORTENT LES CORPS DU DÉLIT ET PIÈCES À CONVICTIONS CONNAISSENT TRÈS BIEN L’ENCEINTE DU PALAIS DE JUSTICE.
46. Or, les magistrats-tes pour leur part, ne savent pas forcément où se trouvent tous les corps du délit, pièces à conviction ou tous autres objets des dossiers dont ils ont la charge d’instruction. Ils ont aussi rappelé que ce sont les greffiers-ères qui sont en fait les dépositaires de tous ces objets.
b) Points de vue de certains greffiers-ères sur les vols répétés au palais de justice
47. Les greffiers-ères affectés au Greffe des cabinets d’instruction sont tenus de garder les corps du délit non acceptés par les différents cabinets d’instruction. Cependant, en raison même de cette situation et des risques de vols accrus, rares sont ceux et celles qui acceptent d’assumer ce rôle de responsable de ce Greffe.
48. Selon eux, la petite salle servant de Greffe des cabinets d’instruction accueille toute personne désireuse de faire un suivi quelconque, par exemple des justiciables, des avocats-tes, des juges, des greffiers-ères, etc. L’entrée est libre. Aucun contrôle d’identité n’est effectué. Il n’existe non plus aucun système d’accréditation pour accéder à ce Greffe.
49. Le dernier greffier à avoir accepté de jouer le rôle de responsable du Greffe des cabinets d’instruction est entré en fonction en juillet 2020. Cependant, il a édicté ses conditions selon lesquelles, il ne garderait ce poste que pour une période de trois (3) mois, le temps pour
l’administrateur du Tribunal de trouver quelqu’un d’autre. Dès la rentrée de l’année judiciaire actuellement en cours, il avait déjà voulu rendre les clés du Greffe. Il lui a été demandé de patienter encore un peu.
50. Selon le Syndicat des Greffiers d’Haïti (SYGH) – qui a d’ailleurs dénoncé à plusieurs reprises, les cas de vols répétés enregistrés au palais de Justice de Port-au-Prince – les greffiers-ères chargés de garder les clés ne sont pas impliqués dans ce qui se passe au Tribunal. Dans la plupart des cas, ils ne sont même pas en mesure d’indiquer avec exactitude les dates et heures où ces vols ont été perpétrés.
VI. BILAN DES VOLS ENREGISTRES AU PALAIS DE JUSTICE DE PORT–AU-PRINCE DE 2018 A 2020
51. De mars 2018 à octobre 2020, au moins vingt-trois (23) cas de vol et de tentative de vol ont été enregistrés au palais de Justice de Port-au-Prince :
Au moins trois (3) cas de vol et de tentative de vol en 2018,
Au moins treize (13) cas de vol et de tentative de vol en 2019,
Au moins sept (7) cas de vol et de tentative de vol en 2020.
52. Voici les informations recueillies sur les vols enregistrés en 2018 :
En mars 2018, des individus non identifiés ont emporté une (1) arme à feu qui se trouvait au cabinet d’instruction du juge Loubens ELYSEE. Aucune effraction n’a été enregistrée. Suite à ce vol, le magistrat a fait changer la serrure de la porte de son cabinet ;
Au cours de l’année 2018, des téléphones portables qui se trouvaient au cabinet du magistrat Rénord REGIS ont été volés. Aucune effraction n’a été enregistrée.
DE 2018 À NOS JOURS, AU MOINS 23 VOLS ONT ÉTÉ ENREGISTRÉS AU PALAIS DE JUSTICE DE PORT-AU-PRINCE.
Au cours de l’année 2018, la serrure du cabinet de la juge d’instruction Godely JOSEPH a été remplie d’une substance assimilable à de la colle. La magistrate a dû faire appel à un technicien pour remplacer la serrure endommagée. Aucun vol n’a été enregistré.
53. Voici les informations recueillies sur les vols et tentatives de vols enregistrés en 2019 :
Le 14 mai 2019, ayant voulu récupérer au Greffe principal des corps du délit relatifs à un dossier en cours de traitement, le cabinet d’instruction de la juge Godely JOSEPH a remarqué que deux (2) classeurs qui s’y trouvaient, ont été ouverts par effraction. Le greffier affecté au cabinet de la Juge Godely JOSEPH s’est empressé de requérir un juge de paix en vue de procéder au constat du fait. Le même jour, le magistrat James SAINT JEAN du Tribunal de paix de la section sud s’est transporté sur les lieux et a constaté que toutes les enveloppes contenant des corps du délit et entreposées dans les deux (2) classeurs susmentionnés, ont été déchirées. Trois (3) téléphones portables et au moins deux (2) ordinateurs portables ont disparu. Certains des corps du délit emportés constituaient des dossiers dont l’instruction était à la charge du magistrat Jacques Hermon CONSTANT. Ces dossiers ont en fait été redistribués par devant la magistrate Godely JOSEPH après le départ du système judiciaire, du magistrat Jacques Hermon CONTANT ;
Dans la nuit du 16 au 17 mai 2019, une tentative de vol a été enregistrée au Greffe des cabinets d’instruction. La serrure du coffre-fort qui y est installé a été endommagée. S’il n’a pu être ouvert malgré les tentatives de le scier, ce coffre a subi de grands dommages et est aujourd’hui inutilisé. Rien n’a pu être volé ce jour-là ;
Le 10 juillet 2019, le cabinet d’instruction du juge Legroise AVRIL a été vandalisé. Des téléphones portables, des armes à feu, de l’argent, des ordinateurs portables ainsi qu’une bague en or ont été volés. Les trois (3) classeurs qui se trouvent dans ce cabinet ont été endommagés, cependant la serrure de la porte est restée intacte ;
Le 23 juillet 2019, le cabinet d’instruction du juge Merlan BELABRE a été vandalisé. Des dossiers en cours de traitement ainsi que des ordonnances de renvoi ont été emportés. De nombreux corps du délit ont aussi disparu dont une (1) arme à feu, de l’argent et un (1) téléphone portable. Aucune trace d’effraction sur la porte n’a été constatée mais le classeur a été endommagé ;
En septembre 2019, le cabinet d’instruction de la juge Annie FIGNOLE a été cambriolé. Trois (3) armes à feu, trois (3) téléphones portables ainsi que cent-soixante-dix- huit (178) cartouches ont été emportés en dépit du fait que le greffier affecté au cabinet de la magistrate, ait éparpillé ces cartouches. Aucune effraction n’a été enregistrée ;
Dans 17 des 23 cas de vol enregistrés – soit 74% d’entre eux – il n’y eut pas d’effraction.
Le 15 octobre 2019, le Greffe 1 du Parquet a été cambriolé. Le juge titulaire Phillipe VINCENT affecté au Tribunal de paix de la section Sud a été requis pour dresser procès-verbal de constat des faits. Les serrures de la porte ont été brisées et les classeurs endommagés et vandalisés. Il n’a pas été possible d’identifier ce qui a été emporté ;
Le 3 décembre 2019, le cabinet d’instruction du juge Jean Etienne MERCIER a été vandalisé.
Trois (3) pistolets, six (6) chargeurs, dix (10) téléphones portables, une (1) tablette, un (1) chargeur de batterie, de nombreuses cartouches ainsi que des boucles d’oreilles, ont été emportés ;
Le 20 décembre 2019, le bureau du doyen Bernard SAINT-VIL a été cambriolé. Une forte somme d’argent enregistrée dans le dossier d’Arnel BELIZAIRE a disparu. Cependant, aucune trace d’effraction n’a été constatée ni sur la porte donnant accès au bureau du doyen, ni sur la serrure du classeur où se trouvaient les dossiers.
Selon l’inventaire dressé par le greffier Diego Juanito POMPEE, un trois cent (300) billets totalisant la somme de gourdes ont été
Disparition d’une forte somme au Bureau du Doyen Bernard SAINT- VIL le 20 décembre 2019, la DCPJ n’a toujours pas rendu les résultats de ses enquêtes.
(1) portefeuille, des bijoux, de mille (1.000) gourdes trois cent mille (300.000) emportés.
Suite à ce vol, le greffier susmentionné a été transféré et selon plus d’un, l’argent semble n’avoir jamais été déposé au bureau du doyen.
Saisie de la question, la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) n’a pas encore rendu les résultats de son enquête.
En 2019, le cabinet d’instruction du magistrat Berge O. SURPRIS a été vandalisé à deux (2) reprises. Des téléphones portables, des armes à feu ont été volés. Aucune trace d’effraction n’a été constatée.
En 2019, la porte donnant accès au cabinet du magistrat instructeur Etzer ARISTILDE a été endommagée. Cependant, il semble qu’aucun objet n’ait été dérobé.
Les classeurs localisés dans le cabinet du magistrat Jean Wilner MORIN ont été défoncés en 2019. De nombreux corps du délit dont des téléphones portables, des armes à feu, ainsi que l’ordinateur portable personnel de la greffière attachée au magistrat en question ont été emportés. Aucune effraction n’a été constatée ;
Toujours en 2019, le cabinet d’instruction du magistrat Paul PIERRE a été vandalisé.
Entre le 31 décembre 2019 et le 5 janvier 2020, le Greffe 1 du Parquet a été cambriolé à nouveau.
54. Voici les informations recueillies sur les vols enregistrés en 2020 :
Le 29 juillet 2020, le commis-parquet en chef Wilbert RHAU a affirmé que les locaux de son bureau personnel ont été vandalisés et qu’une forte somme d’argent a été emportée. Le juge de paix Carmin BAPTISTE a été requis pour constater et verbaliser les faits car, des corps du délit et pièces à conviction de plusieurs dossiers ont disparu dont celui de Arby Frantz LARCO, arrêté dans la soirée du 24 décembre 2019, pour détention illégale d’armes à feu et de munitions.
Le RNDDH s’est entretenu avec Maître Gabriel DUCARMEL, commissaire du gouvernement près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince, autour de ce vol. Et, en dépit du fait que le magistrat dispose d’un procès-verbal de constat dressé par le juge de paix Carmin BAPTISTE, il affirme que selon lui, il ne peut s’agir de vol vu qu’aucune effraction n’a été constatée et que le coffre-fort où l’argent devrait être entreposé n’a pas été endommagé. Il estime en ce sens que, dès qu’il aura à travailler sur les dossiers dont les objets ont disparu, le commis-parquet se débrouillera en vue de lui remettre toutes les pièces y relatives.
Selon les rumeurs qui circulent dans les couloirs du palais de Justice de (5.000) dollars mille (500.000) gourdes personnel du commis- Toujours selon les après avoir assuré en lieu sûr, a reconnu 5000 dollars américains et 500.000 gourdes ont disparu au bureau du commis-parquet Wilbert Rhau. Pour avoir choisi de garder cet argent dans son bureau mais non dans le coffre-fort du Parquet, le commissaire en chef exige qu’il remette ce montant.
Port-au-Prince, cinq mille américains et plus de cinq cent ont été volés au bureau parquet Wilbert RHAU. rumeurs, le commis-parquet, l’avoir déplacé pour le mettre avoir utilisé l’argent pour la construction de sa maison à Delmas 75, zone Caradeux.
Des graffitis sur les murs à l’enceinte du palais de justice, salissent encore plus l’espace – Photos 10
Rencontré à ce sujet, Wilbert RHAU a affirmé au RNDDH n’avoir pas été présent le 28 juillet 2020, pour raisons médicales. Le lendemain, à son arrivée au bureau, il a d’abord remarqué que la serrure de sa porte lui résistait. Et, après l’avoir ouverte, il a constaté des enveloppes en pagaille sur le sol et son classeur, défoncé. D’autres membres du personnel ont aussi pu apercevoir les dégâts. Il a par la suite fait appel au juge de paix Carmin BAPTISTE en vue de dresser le procès-verbal de constat y relatif.
Le commis-parquet Wilbert RHAU a aussi affirmé que le commissaire du gouvernement Maître Gabriel DUCARMEL l’a convoqué au sujet du vol. Cependant, après avoir reçu le procès-verbal de constat dressé par le magistrat requis à cet effet, le commissaire lui a reproché sa négligence arguant que le montant envolé aurait dû être placé dans le coffre-fort du Parquet mais non à son bureau personnel. Par conséquent, tenu responsable de ce vol, il lui a été demandé de remettre l’argent, soit les cinq mille (5.000) dollars américains ainsi qu’une forte somme en gourde dont il ne se rappelle pas le montant exact. Il a aussi réfuté toutes les rumeurs circulant à son compte, et laissant croire qu’il aurait lui-même subtilisé l’argent susmentionné.
Il convient de rappeler qu’en plus de l’argent saisi dans le cadre de ce dossier et transféré au Parquet, les autorités policières avaient découvert dans la résidence de Arby Frantz LARCO trente-neuf (39) armes à feu dont des fusils d’assaut, trois cent vingt-quatre (324) chargeurs, quarante-trois mille (43.000) cartouches, des gilets tactiques, des tubes de gaz lacrymogène, etc.
Le 12 août 2020, le cabinet du juge d’instruction Jean Etienne MERCIER a été vandalisé.
L’écran de l’ordinateur a disparu ;
Le 15 août 2020, ce même cabinet a encore été saccagé. Ce jour-là, c’est le boîtier de l’ordinateur dont l’écran avait été emporté le 12 août 2020, qui a été volé ;
Le 23 octobre 2020, un (1) téléphone portable constituant le corps du délit d’un dossier, a été volé au cabinet d’instruction du juge Merlan BELABRE ;
En 2020, il a été constaté que des armes à feu, téléphones, des dossiers ainsi que de l’argent qui se trouvaient au cabinet d’instruction du juge Chavannes ETIENNE ont disparu ; Le 12 septembre 2020, le juge Vincent PHILIPPE du Tribunal de paix, section Sud de Port-au-Prince, a été requis pour dresser procès- verbal du fait ;
En 2020, un autre cas de vol a été enregistré au cabinet du magistrat Berge O. SURPRIS. Encore une fois, des téléphones portables, des armes à feu ont été emportés. Encore une fois, aucune trace d’effraction n’a été constatée. Cette fois-ci, aucun juge de paix n’a été requis pour verbaliser les faits.
Tel que susmentionné, le 19 octobre 2020, une partie des corps du délit relatifs à l’assassinat de Maître Monferrier DORVAL au Greffe des cabinets d’instruction. En ce sens, il convient de souligner le 17 septembre 2020, quatre (4) individus arrêtés dans le cadre de l’assassinat de Maître Monferrier DORVAL, ont été incarcérés. Il s’agit de Modeler SENEJEAU alias Abiby, Makender FILS-AIME, Valery DORT et Vilpique DUNES alias Jah. Ce dernier avait été arrêté avec en sa possession deux mille trois cent trente-dix-sept (2.377) dollars américains, cent quatre-vingt-treize mille deux cent trente-cinq (193.235) gourdes, cinq (5) cartes bancaires, un (1) téléphone portable de marque IPhone 10, une (1) arme à feu ainsi que trois (3) permis de port d’armes à feu.
Ces objets ainsi que les montants susmentionnés ont été saisis par la police judiciaire et transférés au Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince. Aujourd’hui, il est bruit dans les couloirs du Parquet que ce montant a aussi été volé.
VII. MESURES PRISES PAR LES AUTORITES JUDICIAIRES
55. De manière générale, lorsqu’un vol est enregistré dans un des cabinets d’instruction du Tribunal de première instance de Port-au-Prince, les greffiers-ères qui y sont affectés ont pour devoir d’informer le greffier en chef et/ou le doyen du Tribunal à charge par eux de requérir un juge de paix en vue de dresser procès-verbal des faits de vol. Cependant, cette procédure n’étant pas sacramentelle, certains greffiers-ères requièrent eux-mêmes les juges de paix ou dressent eux-mêmes l’inventaire des objets ou valeurs perdus avant de les remettre par la suite au greffier en chef.
56. Au niveau du Parquet, tous les dossiers de vol ont été confiés au substitut commissaire du gouvernement Bed-Ford CLAUDE qui sollicite généralement une enquête de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ).
57. Selon l’administrateur du Parquet Jacques Edouard
ACCILIEN, rencontré dans le 2016 et 2017, des mesures renforcer la sécurité du caméras avaient été magistrats-tes. Toutefois, ils
Les caméras installées en 2016 et 2017 pour contrôler les rentrées et sorties du Parquet ont été sabotés. Celles qui se trouvaient à l’intérieur des bureaux des parquetiers, désinstallées sur leur insistance. cadre de cette enquête, entre avaient été adoptées pour Parquet. En ce sens, des installées dans les bureaux des ont tant et si vaillamment contesté qu’il a été décidé de les enlever.
58. Les caméras qui avaient été installées pour leur part dans les autres espaces du Parquet ont été sabotées et les fils coupés. Il a même été rapporté au RNDDH que lors du sabotage des fils de caméra, même les fils conducteurs de l’internet ont été sectionnés.
59. Le 22 juillet 2020, lors d’une visite du Premier Ministre Joseph JOUTHE et du ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Maître Rockefeller VINCENT, le doyen Maître Bernard SAINVIL en a profité pour soulever le dossier de l’insécurité au palais de Justice en général. Cependant, à date, aucune réponse ne semble lui avoir été communiquée.
60. Par ailleurs, suite à une correspondance adressée à Maître Levelt MILORD directeur des affaires judiciaires au Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique par le Justice Sector Stregthening Program (JSSP), portant sur les inquiétudes du JSSP relatives à la disparition répétée de nombreux matériels et équipements, Maître Levelt MILORD a passé les instructions formelles au Parquet en vue de diligenter une enquête.
61. En ce sens, en date du 28 septembre 2020, le juge de paix Carmin BAPTISTE a été requis par le Parquet et a dressé son procès-verbal selon lequel, des matériels et équipements portant le tag de la United States Agency For International Development (USAID), ont effectivement été dérobés. Il s’agit de :
Quatre (4) UPS,
Trois (3) ordinateurs de bureaux,
Cinq (5) claviers USB,
Cinq (5) souris USB.
62. Ces matériels et équipements volés se trouvaient installés au Greffe 2 du Parquet où sont localisés cinq (5) postes du personnel affecté au programme de Gestion Informatisée des Cas Judiciaires (GICAJ). L’enquête semble n’avoir pas encore abouti.
63. Tout récemment, soit le 30 octobre 2020, le commissaire du gouvernement Gabriel DUCARMEL a affirmé au RNDDH avoir requis huit (8) agents-tes de sécurité supplémentaire en vue de renforcer la sécurité du Parquet et augmenter ainsi leur nombre à seize (16).
64. Au moment de la rédaction de ce document, le Parquet a entamé un processus de classement du Greffe 1. En ce sens, trois (3) pièces situées à l’arrière du bâtiment principal ont été aménagées pour recevoir des dossiers. Toutefois, cet espace accueille déjà sept (7) étagères et cinq (5) classeurs en mauvais état. De plus, certains pans de mur suintent quand il pleut et les dernières pluies ont occasionné l’inondation d’au moins l’une (1) de ces salles.
65. Enfin, il convient de souligner que différents membres du personnel administratif et judiciaire rencontrés au palais de justice de Port-au-Prince dans le cadre de cette enquête se plaignent de la qualité des équipements et matériels mis à leur disposition en vue de garder les différents dossiers dont ils ont la charge. Par exemple, ils estiment que les serrures des classeurs sont facilement altérables, que ceux-ci sont aussi vulnérables au feu.
VIII. COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS
66. Cette enquête réalisée par le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) prouve que, si depuis plusieurs années, les vols des corps du délit et des pièces à conviction sont régulièrement perpétrés au palais de Justice de Port-au-Prince, de 2018 à 2020, ils se sont intensifiés.
67. De plus, les effets personnels des différentes parties impliquées dans les dossiers en cours, saisis ou confisqués par la police judiciaire et transférés aux autorités concernées, sont systématiquement dérobés.
68. S’il est vrai que c’est le vol d’une partie des corps du délit relatifs au dossier de l’assassinat de Maître Monferrier DORVAL qui a incité le RNDDH à réaliser cette enquête, il n’en reste pas moins vrai que l’organisation est très préoccupée par l’absence flagrante de politique de garde et de préservation des éléments constituant les dossiers, au niveau du palais de Justice de Port-au-Prince. Et, c’est justement en raison de cette absence de politique relative à la préservation des corps du délit que ceux constituant le dossier de l’assassinat de Maître Monferrier DORVAL ont pu être emportés. En ce sens, le RNDDH reste convaincu que les troublantes circonstances entourant son assassinat auraient dû porter les dépositaires de ces objets à les garder dans un espace sécurisé.
69. Pour dix-sept (17) des vingt-trois (23) cas de vol perpétrés de 2018 à 2020 au palais de Justice de Port-au-Prince, – soit pour 74 % d’entre eux – aucune effraction n’a été constatée sur les portes donnant accès aux endroits où ces objets ont été préalablement déposés. Seuls les classeurs et les armoires métalliques ont été à chaque fois, endommagés par les cambrioleurs. Ceci révèle que ces vols ont été commis par des individus faisant partie du personnel administratif et judiciaire affecté à ce palais de Justice, ou avec leur complicité.
70. De plus, il ne fait aucun doute que ces vols en cascade impactent grandement le déroulement des dossiers en souffrance et causent de grands préjudices aux personnes privées de liberté, en attente de jugement. En effet, la subtilisation des corps du délit et pièces à conviction empêche à la Justice de rendre une décision saine, basée sur les faits et respectueuse des droits aux garanties judiciaires de toutes les parties impliquées. D’une part, avec ces disparitions répétées, les personnes en attente de jugement risquent de passer beaucoup plus de temps en prison, d’autre part, la partie civile est complètement effacée de l’équation car, selon l’article 294 du Code d’Instruction Criminelle, elle a le droit d’exiger restitution et dommages-intérêts pour les préjudices subis. Cet article stipule en effet que : Lorsque l’accusé aura été déclaré coupable, le commissaire du gouvernement fera sa réquisition au Tribunal pour l’application de la loi. La partie civile posera ses conclusions à fin de restitution et de dommages-intérêts. Dans ce cas précis, comment exiger la restitution d’objets qui ont été dérobés par ceux-là mêmes qui sont appelés à jouer une partition dans l’administration de la Justice ?
71. Le RNDDH regrette que l’absence d’un registre tenu régulièrement à jour, faisant état des différents objets qui sont gardés au palais de Justice, empêche de vérifier l’ampleur des dégâts enregistrés à date. Cependant, il reste convaincu que la situation actuelle est sciemment maintenue parce qu’elle fait l’affaire de ceux et celles qui veulent continuer de pouvoir disposer des objets de valeur confisqués par la police judiciaire et transférés à la Justice pour les suites de droit.
72. Le RNDDH rappelle en ce sens que la soustraction, la destruction ainsi que l’enlèvement de pièces ou de procédures criminelles ou d’autres papiers, registres, actes et effets contenus dans des archives, greffes ou dépôts publics, ou remis à un dépositaire public, en cette qualité, sont imputables aux greffiers, archivistes, notaires ou tous autres dépositaires. En effet, selon l’article 213 du Code Pénal, « Quiconque se sera rendu coupable des soustractions, enlèvements ou destructions mentionnés en l’articles précédent, sera puni de la réclusion.» Et, « Si le crime est l’ouvrage du dépositaire lui-même, il sera puni des travaux forcés à temps. »
73. Par ailleurs, vingt-quatre (24) agents-tes de sécurité recrutés par le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique et renforcés par vingt (20) agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) sont affectés au palais de Justice de Port-au-Prince. Plusieurs parmi eux y assurent la sécurité de nuit. Cependant, leur présence ininterrompue n’aide nullement à prévenir ces vols.
74. Le doyen du Tribunal de première instance de Port-au-Prince, Maître Bernard SAINVIL ainsi que les différents commissaires du gouvernement qui se sont succédé à la tête du Parquet de ce ressort, ne semblent pas choqués par ces nombreux scandales qui éclaboussent et discréditent l’appareil judiciaire haïtien. Car, en dépit du fait que les corps du délit et pièces à conviction constituent des objets incontournables à la manifestation de la vérité, aucune sanction – même administrative – n’a jamais été prise et aucune poursuite judiciaire n’a jamais été engagée à l’encontre des dépositaires de ces objets, en vue de mettre fin à ces vols, selon toute vraisemblance, organisés.
75. A ce rythme, il est clair qu’on ne peut demander à des justiciables de s’en remettre aux autorités judiciaires lorsque le personnel semble ne pas pouvoir lui-même résister aux corps du délit, pièces à conviction et effets personnels des parties impliquées dans les dossiers. Puisqu’il s’agit des objets leur appartenant en propre dans certains cas ou pire, des produits de leurs forfaits, dans d’autres cas, ces vols répétés au palais de Justice de Port-au-Prince contribuent à renforcer le manque de confiance de la population haïtienne en général et des justiciables en particulier, dans la Justice et dans son administration.
76. Le dysfonctionnement des différents services au palais de Justice de Port-au-Prince, la montée vertigineuse du taux de détention préventive illégale et arbitraire, la violation systématique des droits aux garanties judiciaires des personnes privées de liberté, additionnés aux vols des corps du délit, pièces à conviction et effets personnels des parties prouvent, si besoin en était, qu’aujourd’hui plus que jamais, la situation au palais de Justice de Port-au-Prince est catastrophique. Cette situation exige par conséquent l’intervention immédiate de l’organe de contrôle que représente le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) ainsi que l’intervention du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique.
77. Le personnel administratif et judiciaire affecté au Parquet, au Décanat du Tribunal de première instance de Port-au-Prince, ainsi qu’à tous les services sans distinction du palais de Justice,
doit faire l’objet d’un vetting sérieux. Et, des décisions sévères doivent être prises à l’encontre de ceux et de celles qui sont impliqués dans cet incommensurable fiasco que représente aujourd’hui le fonctionnement du palais de justice de Port-au-Prince.
78. Se basant sur ces considérations, le RNDDH recommande aux autorités judiciaires de :
Organiser la garde et la préservation des corps du délit, pièces à conviction et effets personnels des parties impliquées dans les dossiers, tant au Parquet qu’au Tribunal de première instance de Port-au-Prince ;
Prendre toutes les mesures en vue de sécuriser efficacement les locaux du palais de Justice de Port-au-Prince ;
Enregistrer méticuleusement les corps du délit, pièces à conviction et objets personnels confisqués ;
Sécuriser et vérifier régulièrement les corps du délit, pièces à conviction et objets personnels confisqués ;
Enquêter sur tous les cas de vols enregistrés au palais de Justice de Port-au-Prince et poursuivre tous ceux et toutes celles qui y sont impliqués ;
Prendre toutes les dispositions qui s’imposent en vue de mettre fin à ces vols en cascade de corps du délit, pièces à conviction et objets personnels des parties impliquées dans les dossiers en cours ;
Fournir aux greffes du palais de Justice de Port-au-Prince des matériels et équipements de qualité, résistants aux flammes.
1 Dans la soirée du 28 août 2020, Maître Monferrier DORVAL a été criblé de balles devant la barrière de sa résidence, à Pèlerin 5, à proximité de la maison du président de la République, Jovenel MOÏSE. L’instruction judiciaire du dossier est confiée au magistrat Rénord RÉGIS et au moins quatre (4) personnes sont à date écrouées.
2 Le corps du délit, Muriel Brouquet CANALE, Dans Essaim 2001/2 (no8), pages 29 à 34
3 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/conviction/19012