Le 14 août 2021, vers 8:30 du matin, un séisme de magnitude 7.2 sur l’échelle de Ritcher a frappé trois (3) départements de la côte sud du pays, à savoir, les Nippes, le Sud et la Grand’Anse.
Les pertes humaines et matérielles sont énormes. Selon un bilan partiel présenté le 15 août 2021 par le Centre d’Opérations d’Urgence Nationale (COUN), au moins mille-trois-cents (1.300) personnes ont été tuées et près de six mille (6.000) autres, blessées. Des centaines de bâtiments se sont effondrés. D’autres sont fissurés. Des entreprises commerciales, des maisons privées, des établissements scolaires, des églises, des hôtels ont été totalement détruits ou gravement endommagés. Dans plusieurs zones, des cas d’éboulements et de glissements de terrain ont été recensés, ensevelissant des personnes ainsi que du bétail.
La population des zones susmentionnées a investi les rues et les places publiques en vue de se protéger contre d’éventuels effondrements ultérieurs. Les fouilles pour retrouver des blessés et/ou des cadavres se sont organisées rapidement par les proches des victimes aidées spontanément pour la plupart, par des membres de la population. Celles-ci continuent aujourd’hui encore, même avec la tempête tropicale Grace qui s’abat déjà sur Haïti.
Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) et ses structures régionales des Nippes, du Sud et de la Grand’Anse affectées par le séisme, se font le devoir de partager avec l’opinion publique, une évaluation partielle de la situation sur le terrain.
A. Situation dans le département des Nippes
Le département des Nippes compte onze (11) communes. Six (6) d’entre elles soit celles de Petit-Trou de Nippes – localisée à huit (8) kilomètres (km) de l’épicentre du séisme – de Baradères, de L’Azile, de Plaisance du Sud, de Fonds-des-Nègres ainsi que l’île de Grand Boucan, sont sévèrement touchés par le séisme. Certaines sections communales et localités ont été totalement détruites. Tel est le cas par exemple de Lièvre, localisée à Petit-Trou de Nippes. De plus, si Miragoâne, Paillant et Petite-Rivière de Nippes sont moins affectés par le séisme, Anse-à-Veau et Arnaud, ont été touchés de manière relativement grave.
L’Hôpital de Sainte Thérèse à Miragoâne, l’hôpital de Paillant, l’hôpital de L’Azile ainsi que le Centre de Santé de Baradères, dépourvus de tout avant le 14 août 2021, ont beaucoup de mal à faire face à l’urgence occasionnée par le séisme.
Plusieurs cas d’éboulements et de glissements de terrain ont été enregistrés, notamment sur la route menant à l’Anse-à-Veau. Conséquemment, une partie du département n’est accessible que par motocyclette et par mer.
Une tentative d’évasion a été enregistrée à la Prison civile de l’Anse-à-Veau. De plus, certaines cellules s’étant affaissées, les autorités pénitentiaires ont été obligées de déplacer deux-cent-vingt (220) prisonniers vers les commissariats de Fond-des-Nègres, Petite-Rivière des Nippes, Miragoâne et Petit-Goâve, pour leur sécurité.
B. Situation dans le département du Sud
Le département du Sud compte dix-huit (18) communes. Huit (8) d’entre elles soit celles des Cayes notamment le centre-ville, de Camp-Perrin, de Torbeck, de Maniche, de Saint-Louis du Sud, de Cavaillon, des Anglais et d’Aquin ont été sévèrement touchées.
Plusieurs bâtiments se sont effondrés. Basilique Hôtel, Petits Pas Hôtel, Le Manguier, Caïmite Hôtel, la Détente Hôtel et Abaca Bay – qui accueillaient des clients-tes en raison notamment des fêtes patronales des 14 et 15 août 2021 dans plusieurs des communes du département – se sont effondrés. Des églises dont l’Eglise Sacré-Cœur des Cayes, l’Eglise Immaculée des Anglais ainsi que des établissements scolaires ont été détruits ou endommagés.
A L’Hôpital Immaculée des Cayes, tous les blessés sont reçus sur la cour. Cependant, par manque d’infrastructures sanitaires, de ressources humaines et matérielles, ils ne reçoivent pas les soins nécessaires. Le local accueillant le Centre de Santé Petit Pont, toujours dans la ville des Cayes, est fissuré. Le Centre de Santé de Camp-Perrin, endommagé est dysfonctionnel. Il compte d’ailleurs un seul médecin qui n’était pas présent lors du séisme. L’Hôpital de Bonnes Fins, à Cavaillon dont le local est endommagé, ne fonctionne pas à plein régime.
Les conduits de distribution de la Direction Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement (DINEPA) dans la ville des Cayes, ont été gravement endommagés, conséquemment, certaines zones ont été envahies d’eau.
Les locaux du commissariat d’Aquin et du tribunal de première instance des Cayes sont endommagés. Les murs d’enceinte de la prison civile des Cayes se sont partiellement effondrés. Plusieurs cellules étant fissurées, les responsables pénitenciers ont dû déplacer de nombreux prisonniers.
C. Situation dans le département de la Grand’Anse
Le département de la Grand’Anse compte quatorze (14) communes. Au moins six (6) d’entre elles, soit celles de Jérémie, particulièrement le centre-ville, de Roseaux, de Beaumont, de Pestel, de Corail et de Bonbon sont sévèrement touchées. Certaines sections communales et localités comme celles de La Ravine à Charles localisée à Pestel, de Petite Plaine localisée à Bonbon, de Fond Cochon, localisé aux Roseaux et de Latibolière, dépendant de Jérémie, sont complètement détruites.
Plusieurs bâtiments dont l’Eglise Catholique Saint Louis de Jérémie, des établissements scolaires ont été détruits ou endommagés.
L’Hôpital Saint Antoine de Jérémie ainsi que les centres de santé, dépourvus de tout avant le 14 août 2021, ne peuvent aujourd’hui faire face à l’urgence occasionnée par le séisme. Les malades qui y étaient hospitalisés, ont été transportés sur la cour. Les nouveaux admis y sont aussi installés mais, ils ne reçoivent aucun soin.
Le 14 août 2021 dans la soirée, une évasion a été enregistrée à la Prison civile de Jérémie. Les portes ainsi que les vitres de la prison ont été détruites par les détenus qui tentaient de s’échapper. Le directeur départemental de Grand’Anse, le commissaire divisionnaire Paul MENARD qui se trouvait sur les lieux dans le but d’aider les agents de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) a été blessé. Une mineure a été violée. Au moins deux (2) détenus, Jeanmil LUCIEN et Gamaël JOSEPH se sont évadés. Une tentative d’incendie avec début d’exécution a aussi été enregistrée.
D. Organisation de l’aide aux victimes
Plus de quarante-huit (48) heures après le séisme, et en dépit du fait que l’état d’urgence ait été déclaré, l’Etat central a du mal à organiser l’aide aux victimes. Celles-ci sont complètement livrées à elles-mêmes. Certaines commencent déjà à faire des démarches personnelles en vue de trouver des tentes pour s’abriter des intempéries et subvenir à leurs besoins journaliers. Les ressources humaines et matérielles manquent cruellement aux hôpitaux et centres de santé et les blessés attendent désespérément les soins qu’ils méritent. C’est le chaos total.
Ce scénario rappelle douloureusement les séismes du 12 janvier 2010 et du 6 octobre 2018 ayant respectivement frappé certaines communes de l’Ouest, du Sud-est et des Nippes d’une part, certaines communes du Nord-Ouest et de l’Artibonite, d’autre part. Si le séisme du 12 janvier 2010, particulièrement meurtrier, avait occasionné le décès de trois cent mille (300.000) personnes, lors de celui 6 octobre 2018, quinze (15) personnes au moins ont été tuées et trois cents (300) autres, ont été blessées.
A chaque fois, la population meurtrie, a eu à faire face à des besoins énormes notamment en termes de kits de première nécessité, de soins de santé pour les blessés, de déblaiement de bâtiments pour aider les survivants-tes sous les décombres et d’assistance psychologique. A chaque fois, le balbutiement des autorités a prouvé qu’elles sont dans l’incapacité totale de gérer l’urgence.
Aujourd’hui, la situation ne semble pas différente. De plus, avec la menace de la tempête tropicale Grace, la population des Nippes, du Sud et de la Grand’Anse, déjà aux abois, est exposée à d’énormes risques. Les personnes qui se retrouvent sur les places publiques et dans les rues sont à la merci des éléments déchainés. Conséquemment, elles ne peuvent attendre indéfiniment l’aide promise par l’Etat haïtien et à laquelle elles ont droit.
Le RNDDH et ses structures des Nippes, du Sud et de la Grand’Anse en profitent pour rappeler aux autorités de facto que la situation d’urgence dans les trois (3) départements susmentionnés n’enlève rien à leur obligation de respecter les droits des victimes ainsi que les règles de redevabilité en matière d’interventions humanitaires. En ce sens, l’aide doit être distribuée aux victimes en fonction de leurs besoins, les approches doivent être axées sur les droits et les distributions ne doivent pas porter atteinte à l’intégrité psychique et à la dignité des victimes. Les mécanismes de redevabilité vis-à-vis des personnes secourues doivent être établis et des cellules de réception de plaintes, pour d’éventuels cas de violations de droits humains notamment des cas de marchandages sexuels – souvent enregistrés lors des catastrophes naturelles– doivent être connus de tous-tes.
De plus, la sécurité des personnes qui se retrouvent dans les espaces publics est une obligation indérogeable. Pour cela, ces espaces doivent être éclairés la nuit, et les agents-tes de la PNH doivent y organiser des patrouilles régulières, dans le but d’éviter la perpétration d’actes délictueux à l’encontre des victimes qui s’y retrouvent.
Le RNDDH et ses structures des Nippes, du Sud et de la Grand’Anse exhortent les responsables étatiques à éviter les erreurs de 2010 qui avaient débouché sur des cas flagrants de violation de droits humains et celles de 2018 où la population avait été totalement abandonnée jusqu’à se débrouiller elle-même pour se relever.
Enfin, le RNDDH et ses structures régionales des Nippes, du Sud et de la Grand’Anse présentent leurs sympathies aux survivants-tes du séisme et aux nombreuses familles victimes et invitent les autorités à faire preuve de sérieux et de diligence dans l’organisation de l’aide aux sinistrés-es.
Marie Rosy Kesner AUGUSTE DUCENA