
On s’y attendait. Déjà, l’idée même de vérification les avait fait littéralement trembler. Au Bicentenaire, ce mercredi, sur les lèvres de bien des parlementaires, les recommandations de la Commission indépendante d’évaluation et de vérification électorale (CIEVE) sont crucifiées. Comme un poème, chacun y est allé de sa strophe. « Cela n’engage pas le Parlement », jette, sans fard, le sénateur Carl Murat Cantave. Pourtant, il en parle. Dans son viseur, ce ne sont pas les cinq commissaires qui, la veille, ont recommandé au moins la reprise à zéro de la présidentielle, mais plutôt Jocelerme Privert. Pour lui, ce dernier s’est aventuré à créer des irritants plutôt que de s’atteler à la tâche qui lui a été confiée, poursuivre le processus électoral envers et contre tous. Sans la vérification qu’une bonne partie de la classe politique exigeait à cor et à cri ? On n’en saura rien…
Maintenant que les recommandations de la CIEVE sont expédiées au CEP et que tous les yeux sont désormais rivés sur celui-ci, l’horizon s’obscurcit-il davantage ? Jean Renel Sénatus, lui qui clame n’être pas membre du groupe minoritaire, ne l’entend pas de cette oreille. Pour lui, c’est simple comme bonjour. « Privert partira coûte que coûte le 14 juin ». Avez-vous un commentaire sur le travail de la commission ? « Je ne suis pas au courant de cette histoire ! », dit-il, dans un ricanement. Francisco Delacruz, lui, sénateur de l’OPL, y voit tout le contraire ou tout au moins n’ignore pas l’ « histoire ». Sur la question de la reprise de la présidentielle, il estime que c’est la « décision la plus sage qui soit » Il parle de l’ère zéro pour la présidentielle, convaincu qu’un président élu doit prendre la destinée de la nation le 7 février 2017. Il ne s’oppose pas à l’idée de la mise sur pied d’un BCEN spécial pour statuer sur le sort des parlementaires mal élus, comme le stipule la CIEVE dans son rapport.
Dans cette guerre de positions, d’intérêts, le député Printemps Bélizaire de Fanmi Lavalas est peu bavard, lui qui croit néanmoins que le travail de la CIEVE est « scientifique ». Il est, comme Delacruz, pour la reprise de la présidentielle. Pour le premier secrétaire du bureau de la Chambre des députés, Abel Descolllines, un tantinet réticent sur les bords, ce rapport ne les engage pas. Il déballe : la Commission n’a pas aidé à la résolution de la crise ; elle a davantage compliqué la conjoncture… L’élu de Mirebalais croit que la CIEVE, en voulant « faire du marronnage », a pondu un « plon gaye », sans fixer les responsabilités. « Quand vous vous bornez à mettre de l’emphase sur les irrégularités, sur les ‘’votes zombies’’, qu’en est-il des vivants qui ont pris le chemin des urnes ? », s’interroge-t-il, perplexe.
Abel Descollines rappelle au passage que la commission n’avait pas sa raison d’être, comme si la classe politique dans sa majorité et le peuple n’avaient pas sonné le glas des élections de 2015, le 22 janvier dernier, sous le couvert d’une ultime manifestation de mécontentement. Quand on demande à Youri Latortue, Carl Murat Cantave, Andris Riché et Onondieu Louis du groupe minoritaire – assis côte à côte sur un canapé à la salle diplomatique du Sénat dans un semblant d’homogénéité – s’ils n’étaient pas ébranlés par les recommandations de la CIEVE, leur réponse fuse : « Non ! » Off the record, un parlementaire influent avoue qu’il y a vraiment eu des collègues qui sont mal élus. Mais, solidarité de corps oblige, les députés, disent n’ « être aucunement liés au rapport de la CIEVE qui ne peut, en aucun cas, produire d’effets juridiques sur les mandats des membres du législatif », comme le souligne une note parue mardi soir, portant la signature de Cholzer Chancy, président de la Chambre des députés.
Les députés mettent en garde le CEP contre toute initiative qui « va à l’encontre des dispositions de l’accord de 5 février et de la constitution sous peine de tomber sous le coup des articles 186, 189-2 et 195 de la constitution qui les exposent à des poursuites judiciaires ». Très à attachés à leur mandat, ils rappellent aussi une déclaration du président Jocelerme Privert lors de son élection par le Parlement : « Aucune déclaration aucune décision, aucun acte ni aucun communiqué d’où qu’il vient ne peut enlever une couronne tissée sur la navette de la souveraineté populaire. » Sur la constitution du BCEN spécial pour statuer les parlementaires mal élus, comme le stipule le rapport de la CIEVE, les parlementaires citent l’article 187.1 du décret el électoral : Les arrêts du BCEN ne sont susceptibles d’aucun recours ». Alors, on fait quoi maintenant ?
Juno Jean Baptiste source le nouvelliste