Parce que la communauté internationale n’était pas favorable à la formation de la Commission de vérification, rien ne dit qu’elle acceptera de financer à nouveau la reprise de la présidentielle. En marge de sa participation au VIIe Sommet de l’AEC à Cuba, Jocelerme Privert a confié au Nouvelliste vendredi que l’Etat allait tout faire pour que les élections aient lieu cette année même si la communauté internationale refuserait de supporter le pays dans ces joutes.
« Les élections, c’est un acte de souveraineté. L’Etat haïtien doit faire tout ce qui est dans son pouvoir pour s’assurer que ces élections aient lieu. Il nous faut mobiliser toutes les ressources qui sont disponibles au pays, je parle de ressources matérielles, de ressources humaines, de ressources financières… Toutes les ressources indispensables seront mobilisées », a déclaré le président provisoire de la République dans cette interview exclusive accordée au Nouvelliste à Cuba.
Privert ne se veut pas fanfaron. Il connaît les limites du Trésor public. « Je ne dis pas qu’on n’a pas besoin du support et de l’assistance de la communauté internationale. Mais si nous ne pouvons pas disposer de cette assistance, l’Etat doit faire tout ce qui est dans son pouvoir pour que ces élections aient lieu », a-t-il soutenu. Cependant, il faut souligner que seulement 800 000 millions de gourdes sont allouées aux élections dans le budget rectificatif.
« Le pays ne peut se permettre de se réveiller en janvier 2017 sans des autorités légitimes, élues à tous les postes disponibles, à la présidentielle, le Parlement complété, les collectivités territoriales complétées. C’est un devoir, c’est une exigence et personne ne peut se permettre de prendre le pari et le risque de ne pas organiser ces élections en janvier 2017 », a avancéJocelerme Privert.
« J’ai personnellement invité l’OEA, l’Union européenne et les Nations unies à observer les travaux de la Commission, a-t-il dit. Tout le monde est unanime à reconnaître que cette commission a fait un travail technique dans le délai qui lui était imparti. »
Parallèlement à cet effort pour la tenue des élections cette année, le chef de l’Etat a indiqué que des consultations sont en cours pour lancer le dialogue national qu’il avait annoncé à l’Arcahaie le 18 mai dernier à l’occasion de la fête du Drapeau. « Dès lundi matin, je commencerai à rencontrer à nouveau les secteurs », a-t-il dit.
Selon M. Privert, l’objectif de ce dialogue national est de s’entendre sur un pacte sur l’économie, un pacte social, un pacte environnemental et un pacte politique « pour mettre un terme aux crises électorales qui se produisent après chaque élection ».
A PHTK…
Le PHTK ne rate jamais une occasion pour tirer à boulets rouges sur Jocelerme Privert. Ce dernier a fait savoir que le parti de l’ex-président Michel Martelly a été invité à toutes les activités qu’il a entreprises depuis son arrivée au pouvoir. « Je ne peux que prendre note si un parti décide de ne pas jouer le jeu démocratique. Ma volonté, c’est d’avoir tout le monde autour d’une table. Je n’ai pas de parti, je n’ai pas de parti pris. Pour ces élections, j’entends et je demande à tous les membres du gouvernement de garder leur plus stricte neutralité. Les règles doivent être les mêmes pour tout le monde. Il n’y aura pas de parti pris de l’Etat envers tel ou tel candidat. L’Etat sera neutre. Que le meilleur gagne ! », a expliqué le chef de l’Etat.
Bien qu’il soit très souvent la cible des sénateurs du groupe minoritaire au Sénat et des membres du bloc APH, proches du PHTK qui exigent son départ le 14 juin, Jocelerme Privert a estimé qu’aucun parlementaire n’a affiché d’hostilité à son égard. « Je n’ai pas d’opposition. D’abord, je suis le fruit d’un consensus entre les différents blocs au Parlement représentés par 20 partis politiques… J’ai désigné un Premier ministre qui a été ratifié par 78 députés sur 80… », a-t-il argué.
Privert appelle le CEP à appliquer les recommandations de la Commission
Encore une fois, Jocelerme Privert a soutenu qu’il était impossible de faire des élections dans le pays sans le travail de la Commission de vérification électorale. Il a rappelé que dès son arrivée, le CEP de Léopold Berlanger avait dit qu’il faisait face à un blocage que le Conseil ne pouvait pas résoudre lui-même. « Le président de la République, garant du bon fonctionnement des institutions, a dû prendre les mesures qui s’imposent pour lever ce blocage… », a-t-il dit, soulignant que tous les partis politiques du pays étaient invités à participer à la formation de la commission et l’élaboration des termes de référence de cette structure.
Il revient maintenant au Conseil électoral, à la lumière du décret électoral et de la Constitution, de faire bon usage des recommandations formulées », a-t-il exhorté.
« Le pays a besoin de stabilité pour se régénérer »
Jocelerme Privert n’a pas peur du 14 juin, date à laquelle son mandat prendra fin comme indiqué dans l’accord du 5 février 2016. « 14 juin est un jour ordinaire comme tous les autres jours », a déclaré Jocelerme Privert dans cette interview exclusive accordée au Nouvelliste. Cependant, il a reconnu que le 14 juin a été la date prévue dans l’accord du 5 février pour la fin du mandat de 120 jours maximum du président provisoire, en l’occurrence, lui. « Mais le même accord avait dit également que le cas échéant, l’Assemblée nationale prendra les dispositions qui s’imposent », a-t-il rappelé.
Par ailleurs, le chef de l’Etat croit qu’il est important d’organiser des élections pour renouveler l’autre tiers du Sénat cette année. Il a rappelé qu’en 2012, souvent ils avaient besoin au Sénat de la présence de deux sénateurs pour constater le quorum, ce qui était souvent difficile. « De 2012 à 2015 j’ai vécu ce qu’est un Parlement en dysfonctionnement », se souvient-il. « Si aucun effort n’est fait aujourd’hui pour renouveler à la fin de l’année le tiers du Sénat pour remplacer ceux qui vont partir et avoir un Sénat avec 30 sénateurs en janvier, on hypothèque encore une nouvelle fois fois le fonctionnement du Parlement », a expliqué le président.
Le président provisoire de la République croit savoir que des voix au Parlement comprennent que la stabilité politique de ces derniers mois est plus importante pour l’avenir démocratique du pays qu’un chambardement et un retour dans le chaos. «Mes anciens collègues parlementaires comprennent l’ampleur du problème. Des élections honnêtes et démocratiques, c’est la garantie de la stabilité », a-t-il soutenu.
Robenson Geffrard
Source Le Nouvelliste