Wilson Laleau, ex-ministre de l’Economie et des Finances de l’administration Michel Martelly, sort de son mutisme. C’est l’une des rares prises de parole de l’homme, l’un des plus influents du régime Tèt kale. Wilson Laleau, accusé, comme d’autres, dans la rapport d’enquête parlementaire sur l’utilisation et/ou dilapidation des fonds PetroCaribe, renvoie la chose sur le terrain politique. « Ce ne sont que des règlements de comptes », jette Wilson Laleau, dans une longue entrevue accordée à un média basé à Miami, en Floride, et reprise en boucle sur les réseaux sociaux.
L’ex-grand argentier de la République, avec moult détails, explique comment l’affaire PetroCaribe est arrivée sur le tapis. Il croit en trouver l’origine. « Le problème est lié à la candidature de Jovenel Moïse. Des gens à l’interne disaient que c’est moi qui leur ai barré la route. » A l’entendre, tout est né d’un tract, signé par Wilson Laleau, circulant sur la Toile en 2015 et dans lequel est mentionné, entre autres, trois millions de dollars américains destinés à la campagne électorale de PHTK. « Toute l’enquête qu’ils [les commissaires] menaient, ils cherchaient à savoir où j’ai trouvé de l’argent pour donner à PHTK durant la campagne. »
« Voilà qu’ils ne peuvent pas trouver cela ; ils se rabattent sur PetroCaribe », résume Wilson Laleau, qui accuse les parlementaires enquêteurs, dont Youri Latortue et Evalière Beauplan, de faire un « plon gaye ». « Le problème c’est qu’ils s’imaginaient à ma place et tout ce qu’ils auraient pu faire », assène Wilson Laleau, qui croit dur comme fer d’avoir été « avili » sans aucune raison valable. Il indique qu’il n’a pas à dire qui est coupable et qui ne l’est pas dans la gestion des fonds PetroCaribe – près de trois milliards de dollars qui se sont évaporés entre 2008 et 2016.
« J’étais obligé de quitter Haïti le 1er juin parce qu’ils ont voulu m’éliminer », enchaîne Wilson Laleau, chef de cabinet du chef de l’Etat, sans nommer personne. Il soutient que la « seule façon pour que l’affaire PetroCaribe soit réglée est la mise sur pied d’une commission de vérité ». Il se montre ouvert à une nouvelle enquête, mais pas n’importe laquelle. Wilson Laleau, qui ne se reproche rien, fait ressortir la nécessité d’aller enquêter dans le détail sur la vie privée de ceux qui sont concernés par le dossier, leurs biens, leur argent, leurs enfants, leur compte en banque…
L’économiste, l’un des hommes forts du pouvoir de Jovenel Moïse, croit qu’il y a des « spécialistes qui peuvent faire ce genre d’enquête », appelant au « recrutement de gens compétents internationalement reconnus. Comprendre : pour lui, il est impensable de confier l’enquête sur l’utilisation de l’argent vénézuélien à des politiques. Il s’en est également pris vertement à ceux qui l’ont mis en cause dans le rapport, sans les nommer. « Les vrais bandits, les vrais fossoyeurs de la République se cachent et avilissent tout le monde dans le pays. »
Wilson Laleau, lui qui ne regrette rien de sa gestion après avoir été tour à tour du ministre du Commerce et de l’Industrie et de l’Economie et des Finances, cite le feu professeur Leslie Manigat en qualifiant le pays d’une « bande de dégénérés ». L’homme rappelle que parfois des gens lui demandent comment il vit, vu les accusations qui lui tombent dessus. « Je leur réponds toujours que ce sont les gens qui parlent de moi qui ne doivent pas pouvoir vivre. C’est eux qui ont des comptes à rendre, qui traînent de vieilles casseroles dans leur dos. Ils disent des choses pour se donner bonne conscience, pour exister […] »
Dans cette entrevue aux allures de confessions, Wilson Laleau, qui semble avoir la conscience tranquille, refuse de s’aventurer sur qui est coupable ou non dans l’affaire PetroCaribe, qui handicape pour l’heure les travaux parlementaires au Sénat de la République. « Je ne peux pas dire qui est voleur. Je ne suis pas placé pour le dire. Je n’accuse personne. Mais dans une telle situation, la seule façon à ce que des gens soient lavés de tout soupçon est d’enquêter sur tout le monde », affirme-t-il, lui qui croit avoir la protection la plus solide (Dieu) et plastronne en même temps avoir toujours eu des lignes dans sa vie.