À 76 ans, le réfugié haïtien Ulrick Lafleur a peur d’être expulsé dans son pays dans les prochains mois, à l’image de centaines de ses compatriotes vivant au Québec.
«Je ne veux pas y retourner. Mon fils a été tué d’une balle dans le cœur là-bas en mars, ma fille a été violée. Il y a des kidnappings, des voleurs», angoisse le Montréalais, qui a fui Haïti en 2008.
Comme lui, quelque 3000 réfugiés au Québec avaient jusqu’à aujourd’hui pour demander au ministère fédéral de l’immigration un statut de résident permanent pour circonstances d’ordre humanitaire.
Car depuis le 1er décembre dernier, le gouvernement canadien a levé le moratoire de 2004 qui empêchait de renvoyer les réfugiés haïtiens, estimant que «les conditions en Haïti se sont améliorées» et «qu’il n’y a plus de risque».
Mais ils sont nombreux à craindre que le ministère en profite pour expulser les Haïtiens qui ne lui conviennent pas.
Criminalité élevée
Ainsi, Ulrick Lafleur a peur de ne pas avoir le bon profil. «Je ne travaille pas. À mon âge, on ne m’embauche pas», déplore-t-il.
«Mais si je me fais renvoyer là-bas, je ne saurai pas où aller. Mon fils pouvait m’offrir l’hospitalité, mais il est mort.»
La sécurité des réfugiés haïtiens au Québec inquiète aussi Serge Bouchereau, porte-parole du Comité d’action des personnes sans statut.
«C’est faux de dire qu’Haïti est sécuritaire», dénonce le militant de 74 ans, Canadien d’origine haïtienne.
Il note d’ailleurs que le Canada trouve Haïti plutôt dangereux quand il s’adresse à ses propres ressortissants. Le ministère des Affaires étrangères recommande en effet aux Canadiens «d’éviter tout voyage non essentiel» dans certains quartiers de Port-au-Prince, «car les conditions de sécurité y sont particulièrement instables et dangereuses». Dans l’ensemble du pays, il conseille de «faire preuve d’une grande prudence en raison du taux de criminalité élevé en différents endroits du pays».
Peur de la discrimination
M. Bouchereau redoute que des Haïtiens soient incapables de réunir les justificatifs exigés par Immigration Canada. Seul un tiers d’entre eux environ auraient complété leur demande, dit M. Bouchereau.
«Et on ne sait pas sur quels critères les fonctionnaires vont donner la résidence permanente. Ça peut être le travail, la langue parlée, l’argent à la banque, le niveau d’étude. Ils vont étudier les dossiers et pourront discriminer», craint-il.
Le Comité réclame une mesure collective qui offrirait la résidence permanente à l’ensemble de ces réfugiés, plutôt que de traiter les dossiers au cas par cas.
Le chef du Bloc québécois, Mario Beaulieu, aperçu hier lors d’une marche d’appui aux immigrants, a qualifié d’«inacceptable» la situation des Haïtiens.
«Le gouvernement Harper a l’air très promesures militaires, mais pas humanitaires», a-t-il lancé.
Environ 300 réfugiés du Zimbabwe risquent aussi l’expulsion pour les mêmes raisons.