
La dernière fois que le gouvernement a dit que quelque chose allait se produire, c’était lors du passage à l’heure d’hiver, et encore, cette saison n’existe heureusement pas dans notre pays.
En nommant Mario Andrésol au poste de secrétaire d’État à la Sécurité Publique en Haïti, on aurait pu y voir un signe de renouveau, une tentative d’instaurer un semblant d’ordre dans une République en proie à l’incertitude et aux multiples défis. Pourtant, ses premières déclarations laissent un goût d’inachevé, une sorte d’indécision caractéristique d’un État qui se cherche.
Sur Radio Caraïbes, lundi matin, l’ancien DG de la PNH qui fut a la hauteur de sa tache, a laissé entendre que les élections et le référendum-bidon pourraient se tenir en 2025. Une telle déclaration, faite sous le sceau de la probabilité, trahit une posture hésitante indigne d’un leader qui se targue de détenir l’autorité.
Une élection ne doit jamais être considérée comme un événement hypothétique, mais plutôt comme un impératif institutionnel et républicain. La prudence de M. Mario Andrésol n’est qu’un écho maladroit de la déclaration de Leslie Voltaire, depuis Paris, sur la tenue d’un référendum le jour anniversaire de l’accession au pouvoir de Michel Martelly, propos pour le moins hasardeux, à la limite de l’absurde, compte tenu des réalités politiques et sécuritaires en Haïti.
L’argument avancé par certains pour justifier la tenue d’un référendum-bidon dans ces conditions est révélateur de la dérive actuelle de la gouvernance. Pierre Espérance, du RNDDH, ne cesse d’alerter sur l’état de délabrement du pays : la corruption règne en maître, l’impunité est généralisée et la sécurité, socle indispensable à toute entreprise électorale, reste un vœu pieux.
Comment dès lors imaginer, même prudemment, la possibilité d’un double scrutin en 2025 ? Andrésol, qui fut lui-même candidat à la présidence et qui, sous l’égide de la Constitution de 1987, jugeait son engagement politique valable, donne aujourd’hui l’impression de prendre la forme du système qu’il devrait combattre. En évoquant un référendum, il se met en contradiction avec lui-même et avec les principes qui ont guidé ses choix. Il y a quelque chose d’inquiétant à voir un ancien chef de police, hier garant du respect de la loi, adopter une rhétorique qui légitime l’illégitimité.
Le référendum en question, s’il était convoqué, irait à l’encontre de l’article 282 de la Constitution, qui interdit toute modification constitutionnelle par ce procédé. Un homme comme Mario Andrésol, dont la nomination à la tête de la Sécurité Publique avait suscité des espoirs, devrait être le premier à rappeler cette disposition et à s’y tenir. Mais son silence ou, pire encore, son acquiescement tacite à la possibilité d’un tel processus, affaiblit l’image qu’il renvoie à une population déjà profondément méfiante à l’égard des autorités. Pour incarner l’autorité, un ancien chef de police ne suffit pas, il faut savoir l’utiliser de manière responsable. L’homme qui imposait le respect par sa rigueur ne peut aujourd’hui céder au compromis sans perdre l’essentiel de sa force.
Mario Andrésol peut encore rectifier le tir, refuser d’être le simple reflet d’un système qui écrase ceux qui s’y conforment. Notre histoire est riche en personnages qui, à force de s’adapter, ont fini par se fondre dans l’ombre de la compromission. Rien de plus dommageable pour celui qui fut un haut fonctionnaire respecté que de devenir un relais de plus d’un pouvoir sans vision, d’une mécanique aberrante où la loi est détournée au gré des intérêts en présence. Si son entrée au gouvernement devait signifier l’abandon de toute rigueur alors sa nomination ne serait qu’un autre trompe-l’œil, une autre désillusion pour un Etat qui ne peut plus se permettre de faux espoirs.
Et maintenant, montrez-nous que vous êtes vraiment utile en facilitant le retour de milliers de personnes déplacées dans leurs foyers afin qu’elles puissent participer sans problème aux prochaines élections.