L’intervention de M. Edgar Leblanc aux Nations Unies restera probablement dans les annales de la diplomatie haïtienne, avec tous les à-côtés qui ont précédé sa marche vers le podium, jeudi matin. Mais l’attitude du Premier ministre Garry Conille, les yeux rivés sur l’écran de son téléphone, a suscité un certain nombre d’interrogations et, avouons-le, une certaine perplexité. Qu’est-ce qui pouvait bien captiver M. Conille alors que son supérieur, le président du Conseil Présidentiel de la Transition, s’adressait à l’Assemblée générale ? Ce geste inattendu ressemble à une sorte de désinvolture ou, à tout le moins, à une distraction inconsidérée.
Certes, on pourrait supposer que le Premier ministre était en train de s’entretenir avec Port-au-Prince, compte tenu des événements graves qui se déroulaient simultanément. Des rapports non confirmés font état d’affrontements entre des gangs et l’armée haïtienne au Champ-de-Mars, le fief du quartier général de Conille. Cependant, cette explication reste spéculative et n’excuse pas le manque apparent d’intérêt manifesté à ce moment diplomatique capital.
Quant à la ministre des Affaires Etrangères, son visage trahissait un air de déconcentration, comme si la délégation était déjà au courant du contenu du discours présidentiel. Peut-être M. Conille avait-il son propre discours dans sa poche, se préparant à intervenir « sizoka » le blanc n’avait pas donné son ok à LeBlanc. Mais ce comportement évoque, avec une pointe de malice, un cours de mathématiques où un élève, passionné de langues et de littérature, n’accorde que peu d’attention aux équations complexes. Est-ce là le message subliminal que M. Conille a voulu envoyer au monde ? Son silence et son écran de téléphone habitué aux signaux 2G des opérateurs de téléphonie mobile en Haiti, en disent long sur la situation.
En outre, il est intéressant de noter que M. Conille prévoit un référendum constitutionnel en février, ce qui semble projeter une image d’optimisme quant à la situation nationale. Cependant, les observateurs avertis ne peuvent que s’interroger sur l’absence d’un Conseil Electoral Provisoire « san manke dan » pour mener à bien un tel processus. En effet, l’annonce d’un référendum dans un contexte marqué par des une insécurité galopante, tout en ne manifestant aucun intérêt visible pour un discours présidentiel à l’ONU, confère un caractère presque surréaliste à l’action gouvernementale.
Revenons à cette scène à l’ONU : une image vaut mille mots, dit l’adage. Que signifiait cet écran lumineux dans la main de M. Conille, devant les caméras du monde entier ? En diplomatie, chaque geste est scruté, analysé, disséqué. Et le regard du Premier ministre, focalisé ailleurs, loin des paroles de son Président, laisse planer le doute : qu’est-ce qui importe vraiment au chef du gouvernement haïtien à ce moment précis ? L’image projetée aux Nations Unies fait naître plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.
Pase’m yon po dlo, Mon gosier se dessèche !