Des établissements scolaires, publics et privés, sont la cible des lycéens depuis quelques semaines. Les protestataires, qui réclament le retour des enseignants dans les salles de classe, s’en sont pris aux autres écoles dont la situation est différente. Pour ce faire, ils lancent des pierres ou envahissent les cours de récréation et les salles de classe. Les lycées Fritz Pierre Louis, Marie Jeanne ou encore du Cent-Cinquantenaire figurent parmi les établissements publics visés. Dans le secteur privé, les collèges Roger Anglade, Le Normalien, ou encore Canado-Haïtien sont également la cible de lycéens en colère.
Sur des images circulant sur la Toile, on peut voir des lycéens et des élèves du collège Le Normalien s’affronter à coups de pierres au Bois-Verna. Les lycéens veulent pénétrer l’espace alors qu’à l’intérieur, certains élèves leur opposent une résistance. Dans l’une des vidéos, on peut entendre un élève du collège Le Normalien raconter fièrement comment il s’est défait de l’assaut des lycéens.
Le Collège Canado-Haïtien a été la cible des attaques ce mercredi. Les protestataires ont envahi l’espace, saccageant le mobilier scolaire et contraignant les responsables à renvoyer les élèves. Frère Augustin Nelson, responsable de l’école, parle d’une action inqualifiable. « C’est une violence gratuite et démesurée. Nos élèves ne sont pas responsables de tous les problèmes de la société. Je ne vois pas pourquoi une telle violence vis-à-vis d’une institution scolaire », a-t-il fait savoir au journal en fin d’après-midi.
« Des individus vêtus d’uniforme. Je ne pouvais savoir s’ils étaient de vrais élèves, ont fait irruption dans le local. Ils ont commencé à nous attaquer par la barrière principale, mais sont tombés sur la résistance des agents de sécurité qui ont procédé à des tirs de sommation. Ils nous ont attaqués via un autre portail qui a cédé. Entre-temps, ils ont brisé les deux portails qui étaient très solides. Ils sont entrés et ils ont tout vandalisé sur leur passage, notamment le matériel des salles de classe, de mobilier, etc. Les élèves sont sous le choc. Ce n’est pas acceptable dans une démocratie », dénonce-t-il.
Frère Augustin Nelson a exigé l’accompagnement des autorités pour permettre aux écoles privées de travailler dans la sécurité. « Je fais une demande générale pour les écoles privées. Je sais qu’on ne peut pas avoir des policiers devant chaque établissement, mais il doit y avoir un plan de sécurité par zones. Parce que nous sommes en face d’actions répétées. Les attaques ont commencé hier et se sont poursuivies aujourd’hui. Peut être qu’ils ne vont pas s’arrêter. Il doit y avoir un plan de sécurité par secteurs pour protéger les élèves qui sont en quête du pain de l’instruction. Il y va de l’avenir du pays car tant vaut l’école tant vaut la nation », a-t-il exhorté.
Le journal a tenté vainement d’avoir une réaction du ministre de l’Éducation nationale, Pierre Josué Agénor Cadet, ou du directeur du ministère, Meniol Jeune. Difficile donc de savoir ce que prévoient ces responsables du MENFP pour trouver un dénouement à la crise qui secoue les lycées et qui provoque ces manifestations. Entre-temps, le bureau de communication dudit ministère multiplie les communiqués pour dénoncer les attaques visant les écoles.
Le dernier communiqué en date a été publié ce 8 septembre. Dans ce texte, le MENFP a lancé un cri d’alarme et interpellé la collectivité. Le MENFP a également dénoncé la manipulation des élèves. « Face aux menaces et aux attaques persistantes contre les écoles, ce mardi 8 septembre encore à Port-au-Prince, notamment contre le lycée Fritz Pierre Louis, le collège Le Normalien et le collège Roger Anglade, par des personnes se présentant comme des élèves, étudiants ou autres, le ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) lance un cri d’alarme pour le respect du droit à l’éducation et la protection des élèves et des temples du savoir que sont nos écoles. Il est inadmissible, sous prétexte de revendications salariales ou autres, que des individus manipulent les élèves et continuent d’attaquer des écoles et violer systématiquement le droit à l’éducation et le respect de l’autre », a dénoncé le MENFP dans le communiqué.
« Comment justifier de telles attaques violentes et gratuites contre des élèves et les personnels enseignant et administratif alors qu’ils se retrouvent paisiblement dans leurs établissements scolaires ?
Comment encourager ces violences entre les lycéens eux-mêmes pour assouvir des desseins cachés ? Jusqu’où ira-t-on dans la déchéance de notre humanité pour s’attaquer ainsi à des humains, institutions ou d’autres symboles clés de la République? », s’interroge-t-on dans le communiqué.
Plus loin, le MENFP a soutenu que « rien ne peut justifier des attaques contre les écoles et les élèves assis paisiblement en salle de classe ». Le ministère a présenté ses sympathies aux victimes et à tous ceux qui ont été affectés par « ces violences gratuites et aveugles ».
« Encore une fois, le MENFP interpelle toutes les citoyennes et tous les citoyens, les acteurs et partenaires de la communauté éducative, de la société civile, pour un autre éveil de la conscience citoyenne pour la protection des intérêts de l’école et du droit à l’éducation. Nos différends, divergences et/ou les revendications justes ou légitimes ne peuvent être abordés que dans un cadre serein de dialogue dans le respect de ce bien commun qu’est l’école. Le MENFP demande aux directeurs d’écoles, aux enseignants et aux parents de jouer leur rôle de vigie auprès des jeunes afin d’éviter ces dérives où les élèves servent d’instruments pour menacer l’institution scolaire », conclut le communiqué du MENFP.