En Haïti, 35 ans après la fin de la dictature des Duvalier, le constat est amer : les fleurs de la démocratie haïtienne se sont vite fanées. La vie politique n’intéresse plus les citoyens, comme en atteste la faible participation à l’élection présidentielle de 2016 qui a mis l’apprenti dictateur Jovenel Moïse au pouvoir .
La faiblesse de l’Etat face à la montée en puissance des gangs armés , la corruption et le népotisme sont une menace pour l’avenir d’Haïti. Les jeunes Haïtiens qui connaissent mal l’histoire du pays sont désorientés. L’absence de perspectives les jette sur les routes de l’immigration. Leurs aînés, qui ont vécu les combats de rue, ne sont plus portés par l’espoir du changement. Les plus désabusés en arrivent même à considérer la dictature des Duvalier comme un moindre mal par rapport à la situation actuelle.
Aujourd’hui de l’apprenti dictateur Jovenel Moïse jusqu’aux simples citoyens , les leçons de la dictature ne semblent pas avoir été tirées. Ce Président est un « monarque élu » : tout part de lui et tout revient à lui. Son « bon vouloir » peut peser sur le fonctionnement des institutions et la marche des affaires de la République.
Il y a un apprenti dictateur qui triche avec la démocratie au nom de laquelle il a réussi à se faire couronneré Une fois calé sur le trône, il cherche à s’y cramponner, s’y éterniser. Par tous les moyens possibles. De l’ethnocentrisme à la corruption. Des achats des gangs armés à l’achat des consciences. Le programme de société se rétrécit comme une peau de chagrin. Objectif unique et affiché : réduire l’opposition au silence, s’il le faut par la ruse et les armes des gangs du G9.
Les mouvements religieux ont un temps incarné la résistance face à la corruption généralisée et à l’échec des politiques. Mais aujourd’hui, cette société civile est elle-même discréditée par sa collusion avec les partis politiques. L’illustration en a été donnée lorsque des religieux ont donné des consignes de vote à la présidentielle de 2016.
Les mouvements étudiants et syndicaux, aux avant-postes de la protestation pendant la dictature, sont minés par la corruption et l’affiliation aux clans politiques. Il plane aujourd’hui sur Haïti un désordre généralisé qui installe dans les esprits un besoin de pouvoir fort, comme le modèle du Rwanda pour redresser le pays. Cette tentation de la force au détriment de la démocratie est d’autant plus séduisante pour certains qu’ils ont le sentiment amer que les libertés démocratiques acquises il y a 35 ans ne veulent plus rien dire et qu’elles ne nourrissent personne.
Trente-cinq ans après la chute des Duvalier, les séquelles de la dictature sont donc toujours visibles dans les institutions et le système de valeurs. Héritage de cette époque, la médiocrité l’emporte souvent sur la compétence et le mérite. La corruption est devenue la norme. Symbole de ce renversement des valeurs, la déstructuration de la présidence haïtienne. Sous Jean Claude Duvalier, le corps des officiers supérieurs fut rapidement décimé et des promotions fulgurantes furent accordées, bouleversant la hiérarchie militaire.
Aujourd’hui encore, des policiers ne sont pas promus pour leurs compétences mais parce qu’ils se sont affiliés à l’homme puissant du moment en Haïti, après Dieu, Jovenel Moïse. Les proches du pouvoir au sein de la Police Nationale d’Haïti paradent dans des 4×4 climatisés et vivent dans des villas, loin des autres policiers . Des policiers ayant à peine le niveau du bac sont promus inspecteurs et Commissaires , alors que des policiers ayant un passé universitaire se heurtent à un plafond de verre. Nombre d’agents de police continuent de racketter quotidiennement les habitants.