Déjà, beaucoup de promesses d’aide après les dégâts de l’ouragan Matthew sur le pays. Le président provisoire ne les refuse pas. Cependant, Jocelerme Privert, contrairement à 2010 après le séisme, entend orienter l’aide de la communauté internationale dans un autre sens. Dans une interview exclusive accordée au Nouvelliste vendredi au Palais national, il a clairement fait savoir que le pays n’a besoin ni de bouteilles d’eau ni de sacs de riz, mais d’infrastructures pour réaliser, lui-même, ces produits de base.
Si un pays ou une organisation veulent aider Haïti dans le contexte post-Matthew, qu’il participe dans la reconstruction de ses infrastructures. Jocelerme Privert est formel sur ce point. Pas question pour lui de répéter les mêmes erreurs dans la gestion de l’aide internationale comme ce fut le cas en 2010. Selon le chef de l’État, le pays n’a pas réellement besoin de bouteilles d’eau, mais d’une aide pour la construction des systèmes d’eau potable. « Ne nous apportez pas du riz, mais aidez-nous à améliorer les canaux d’irrigation pour la production du riz », a-t-il dit dans cette interview accordée au Nouvelliste comme un message non codé à la communauté internationale.
Cependant, a-t-il nuancé, si un pays ou une organisation veulent distribuer de l’eau et de la nourriture aux sinistrés, il leur dira bienvenue et merci. « Ce qui nous intéresse, c’est d’abord éviter qu’il y ait de la famine dans le pays après trois mois à cause des plantations détruites », a-t-il dit.
« Les ressources du Trésor public vont être utilisées pour réhabiliter les infrastructures détruites. Il y a deux choix : donner de la nourriture pour permettre à des particuliers de faire de l’argent ou utiliser l’argent de l’État pour reconstruire. Nous avons fait le deuxième choix », a tranché le chef de l’État avec autorité.
«Un bateau du gouvernement vénézuélien arrivera mardi matin à Port-au-Prince avec 50 tonnes de tôles, 450 tonnes d’équipements de travaux publics, 10 tonnes de carburant, 6 tonnes de couvertures et de matelas», a annoncé le président. Il a souligné que les gouvernements américain, français, canadien, colombien, entre autres, ont promis de l’aide à Haïti.
Désolé le « Blanc », il n’y aura pas de déclaration d’état d’urgence pour le moment
« Oui, nous sommes dans l’urgence. Oui, nous avons des réponses urgentes à apporter, a reconnu le président Privert. Est-ce que la seule façon d’y faire face, c’est de déclarer l’état d’urgence ? Nous avons déclaré l’état d’urgence en 2010 après le tremblement de terre… Le Palais, la Primature et tous les ministères ne sont toujours pas reconstruits. Les quelques constructions démarrées avec les fonds du PetroCaribe sont interrompues. Donc, l’état d’urgence n’a pas permis la reconstruction du pays », a déduit le président.
« Moi, je dis, maximisons sous contrainte », a répondu Jocelerme Privert à ceux qui réclament une déclaration d’état d’urgence. « Respectons les procédures et les règles. Faisons ce que nous pouvons faire avec nos propres moyens. S’il y a la nécessité pour un appel d’offres, on le fera. S’il n’est pas nécessaire, on ne le fera pas. D’ailleurs, la loi sur la passation de marché permet, en cas de catastrophe naturelle, d’utiliser des procédures célères sans même recourir à la déclaration de l’état d’urgence », a expliqué l’ex-sénateur des Nippes.
En revanche, le chef de l’État n’a pas totalement écarté la possibilité de déclarer l’état d’urgence à l’avenir, si la situation l’exige. « On n’en est pas encore là », a-t-il dit.
Jocelerme Privet a fait appel à la solidarité de tous les partenaires nationaux et internationaux. «Cependant, a-t-il dit, les ressources externes au Trésor public seront utilisées en respectant les règles et les procédures tracées par la loi.» «Le ministre de la Planification et de la Coopération externe a déjà rencontré toutes les organisations non gouvernementales nationales et internationales», a indiqué le président.
La reconstruction, la priorité de Privert en réponse aux dégâts de Matthew
« Nous avons deux actions urgentes après l’ouragan Matthew. Il y a, d’abord, la réponse à donner à la situation d’urgence aux victimes immédiates. Ensuite, simultanément, il y a la réponse en matière de réhabilitation des infrastructures détruites », a déclaré le président Privert. Le locataire du Palais national se félicite de la reprise de la circulation des véhicules sur le pont La Digue emporté par les eaux, le déblaiement des routes conduisant aux Cayes, à Jérémie et dans les Nippes. « Nous agissons sur la réhabilitation des infrastructures routières et sur l’aide urgente à apporter aux victimes », a-t-il dit, soulignant que l’eau, de la nourriture et des médicaments commencent déjà à arriver à Jérémie.
Une autre priorité de l’équipe au pouvoir, c’est la réhabilitation des infrastructures scolaires endommagées ou détruites par l’ouragan. Selon Jocelerne Privert, le gouvernement fait actuellement l’évaluation du nombre d’écoles détruites avant de passer dans la phase de réaménagement.
La guerre des chiffres sur le nombre de morts
Jusqu’à vendredi, le gouvernement faisait état de 288 morts enregistrés dans tout le pays après Matthew alors que certains médias étrangers parlent de plus de 840 décès. Pour parler de cette guerre des chiffres, Jocelerme Privert s’est référé au nombre de morts évoqué après le tremblement de terre du 12 janvier 2010. « Cela dépend de l’intérêt de l’acteur. N’oublions pas que, lorsque vous avez une catastrophe, c’est l’occasion pour beaucoup de gens de promettre de l’aide. Mais quel type d’aide, quel est l’intérêt de l’aide ? », s’est questionné le chef de l’État.
« Avons-nous l’intérêt comme État de dire que nous avons 10 000 morts afin de trouver plus d’aide ? Ou bien devrions-nous dire la réalité ? Grossir les chiffres a un intérêt économique. Mais nous, notre intérêt, c’est de satisfaire les attentes de la population », a avancé le chef de l’État, soulignant que ce n’est pas l’aide de la communauté internationale qui va reconstruire les ponts et routes détruits par le mauvais temps.
Pour Privert, gonfler les chiffres après une catastrophe naturelle fait l’affaire d’un secteur. Mais, a-t-il dit, pour le pouvoir, c’est la réponse à apporter à la population des victimes qui compte.