28 mars-28 juin: exactement trois mois depuis que l’Hôpital de l’Université d’Etat d’ Haïti (HUEH) est totalement paralysé par une grève. Ce mouvement s’est propagé dans les hôpitaux publics du pays. La faute « à des médecins qui renoncent à leur mission, à des autorités sanitaires qui ne sont pas à la hauteur ». Pour cause, plusieurs morts enregistrés, des malades abandonnés dans leurs lits d’hospitalisation, des étudiants empêchés de poursuivre leur formation…
Les barrières verrouillées, cadenassées, les portes fermées à double tour, … après trois mois, l’hôpital général est toujours paralysé par la grève des médecins résidents. Qu’il s’agisse du service des urgences, de maternité, d’ophtalmologie, de radiologie, d’épidémiologie où de pédiatrie… rien n’est opérationnel. L’Unité de dialyse, le seul service qui résistait encore à cette grève, est dorénavant fermée. On ignore le sort des malades. « La dialyse étant paralysée par le dysfonctionnement de ses machines, par l’indisponibilité des matériels et intrants elle est dans l’incapacité de recevoir ses patients », affirme un employé de la dialyse, qui regrette que ce service ait finalement succombé.
Depuis trois mois, apercevoir une blouse blanche dans les allées de l’hôpital général est une chose rare, voire impossible. Le personnel médical est aux abonnés absents. Les médecins de service qui sont des employés de l’Etat ne se pointent plus. Pas même les résidents qui ont déclenché la grève. Les infirmières et les auxiliaires non plus ne répondent pas à l’appel ce mardi. C’est un hôpital désert qui fait fuir ses patients. Ceux qui n’ont pas le choix sont abandonnés à leur sort.
Des patients abandonnés à l’HUEH
Pendant que la grève persiste, la situation des malades devient de plus en plus critique. Ceux qui sont hospitalisés sont complètement abandonnés à leur triste sort. Quatre prisonniers attachés à leurs lits et deux malades hospitalisés à la salle d’orthopédie prennent leur mal en patience. Cloués sur leurs lits, ils sont délaissés alors que les médecins résidents grévistes avaient promis d’assister les malades déjà hospitalisés. « Je suis là depuis quatre mois. Et cela fait plusieurs semaines que je n’ai reçu la visite d’aucun médecin », a expliqué l’un des quatre prisonniers enchaînés à leur lit d’hospitalisation. La voix émoussée, l’air éreinté, ce prisonnier souffre d’une « hypertrophie du cœur ». À côté de lui, son frère de cellule, le crâne ouvert, souffre. Paralysés suite à une crise de la tension artérielle, les deux autres prisonniers sont moribonds.
Les conséquences de la grève
Cette grève qui perdure a déjà fait plusieurs morts. Une femme s’est éteinte un mercredi matin devant la barrière de l’HUEH. Quelques jours plus tard, un enfant, par manque de soins, est mort.
Les étudiants subissent aussi la grève
Les étudiants des facultés de médecine et des écoles des sciences infirmières subissent aussi la grève. Depuis trois mois, les internes de la Faculté de médecine et de pharmacie de même que les étudiantes de l’Ecole nationale des sciences infirmières ne peuvent plus effectuer leurs stages. « Jusqu’à présent, il n’y a pas d’autres hôpitaux disponibles pour nous », a témoigné une étudiante de l’Ecole nationale des sciences infirmières. « Les responsables sont en train de faire un autre calcul », a-t-elle souligné. La grève a aussi des conséquences sur une frange de la population haïtienne qui, faute de moyens, ne peut se rendre dans les hôpitaux privés.
Où sont les autorités du MSPP
Cela fait des mois que le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) ne se prononce point sur la crise. Aucune information quant aux avancées des négociations n’a été communiquée. Aujourd’hui, les négociations entre les protagonistes sont au point mort. Les médecins résidents grévistes et les autorités ne discutent plus. « Depuis quelques bonnes semaines, il n’y a aucune rencontre entre les autorités du ministère de la Santé publique, celles de la Primature ou celles du palais national et les médecins ». Rien n’augure que la levée de la grève soit pour bientôt.
Depuis exactement trois mois, les médecins de l’hôpital général ont déposé leur stéthoscope en vue de réclamer de meilleures conditions de travail. « Il n’y a pas d’intrants. Il n’y a pas de matériel disponible pour faire fonctionner l’hôpital. On exige un dortoir équipé, des toilettes hygiéniques et une cafétéria », ont-ils mis en avant. Faisant la radiographie de leur situation, les grévistes brandissent le problème salarial. Ils croient qu’il est impératif de réviser les frais octroyés aux résidents et internes, et le salaire du reste du personnel médical.
Mordicus, les grévistes affirment que la levée de la grève est conditionnée par la satisfaction de leurs revendications. Cette grève entamée le 28 mars a gagné progressivement les autres hôpitaux publics du pays et les mêmes conséquences se sont produites. Si, d’un côté, ces hôpitaux continuent de priver les malades de leurs services, on sent, d’un autre côté, que les autorités ne font pas assez pour résoudre la crise.
EdridSt Juste Source Le Nouvelliste
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