Après toute une journée de discussions mardi à l’hôtel Marriott, le secteur protestant échoue à trouver un consensus autour d’un candidat unique sur les sept en lice pour représenter le secteur lors de la présidentielle. Lucien Jephthé et ses partisans ont énergiquement contesté le choix de Jean Chavannes Jeune, Clarens Renois et Jean Palème Mathurin dans un premier tri avant d’arriver au choix final. Les cinq candidats consentent se donnent rendez-vous ce mercredi à la Ligue biblique au Champs de Mars pour terminer le processus. Retour sur cette rencontre qui n’a pas tenu ses promesses.
Jamais le secteur protestant n’a été aussi déterminé à prendre le pouvoir. Mardi à l’hôtel Marriott, c’est le gratin de ce secteur qui était réuni en vue de désigner un candidat unique pour la présidentielle. Après une journée de discussions et de présentation de programmes politiques sous la direction d’une commission spéciale présidée par le pasteur Gérald Bataille aucun consensus n’a été trouvé autour des sept candidats en lice.
Pasteurs, diacres, chefs de mission, fidèles… de différentes confessions du secteur protestant ont leurs yeux rivés sur l’élection présidentielle. Le moment n’est plus aux bonnes paroles de la Bible. La politique occupe entièrement l’espace et le pouvoir monte à la tête des leaders protestants. Dans l’esprit de la plupart des leaders protestants, une seule chose, un seul endroit: le palais national le 7 février 2016. « Pwotestan yo fè politik kounye a pase rat », lance l’un des participants à cette rencontre qui se voulait décisive.
Tôt dans la journée, les candidats à la présidence : Jean-Chavannes Jeune (CANAAN), Jean Clarens Renois (UNIR-AYITI INI), Amos André (FURH), Jean Palème Mathurin (PPG18), Reynold Jean-Claude Bazin (MOCHRENHA), Lucien Jephthé (PSUH) et Maxo Joseph de RANDEVOUS qui avait participé à la dernière rencontre a donné mandat à quelqu’un pour le représenter, ont commencé par présenter leur programme politique axé pour la plupart sur la relance de la production nationale, la réforme de l’économie, santé, éducation, sécurité, le retour des Forces armées, entre autres. Une opération qui vise à capter l’attention et se positionner en pôle position pour être désigné.
Cette partie de la rencontre qui a duré des heures n’a pas réellement permis à aucun des candidats de se démarquer des autres. Aucun déclic, ni étonnement, ni rien du tout. Un huis clos pour délibérer s’impose après la pause « manger ».
Dehors, il y a des pasteurs, des diacres, des chefs de mission, des fidèles, des membres d’organisations proches du secteur protestant comme Compassion International, des curieux et les journalistes. Chaque candidat s’est fait accompagner de quelques membres de son église ou de quelques supporteurs.
Plusieurs pasteurs très connus dans le milieu, comme le pasteur Muscadin André, le leader de l’église Shalom, font le va-et-vient. Ce dernier est suivi de près par son garde du corps rapproché. ” L’Eternel est mon berger…” de Psaumes 23 n’est pas de mise pour lui visiblement. Comme lui, d’autres leaders du secteur sont protégés par leur agent de sécurité.
5h10 de l’après-midi. Une heure plus tard, les candidats et les membres de commissions sont toujours en huis clos. Les gens s’impatientent. Deux hommes en costumes, deux leaders du secteur lancent un appel à la prière aux participants qui sont dehors. « Je sens qu’il y a une force démoniaque qui veut empêcher à l’aboutissement du dialogue dans la salle où les candidats discutent», lance l’un d’entre eux. Soudain, il commence à chanter à haute voix. D’autres fidèles le suivent. Sauf que, ils oublient qu’ils sont dans un hôtel et qu’ils ne sont pas les seuls à occuper l’espace. Rapidement on les rappelle à l’ordre. Trop de bruit.
Ils sont quand même arrivés à faire une prière à voix basse du genre « tonbe diab, tonbe espri demon… » « Si vous voulez prier, vous devriez rester dans votre église pour jeûner. Ici on fait de la politique », déclare un participant dans la foulée. Il croit que l’heure n’est pas à la prière, mais à la politique. Personne ne fait cas de lui.
« Je ne suis pas là parce que je savais que les candidats pouvaient se mettre ensemble pour désigner un candidat unique pour le secteur protestant. Cependant, étant chrétien, je croyais qu’ils se laisseraient guider par la voix de Dieu et trouver entre eux un leader qui pourrait emmener le pays à bon port », rétorque un autre.
« Ceux qui se sentent fatigués et qui ne veulent pas rester peuvent partir parce qu’on va encore rester ici pendant un bon moment », indique un des organisateurs de la rencontre après la tentative de jeûne ratée. Une intervention qui n’a fait que soulever un peu plus la colère et l’impatience des participants au dehors.
Après plus de trois heures passées en conclave, le candidat à la présidence Lucien Jephthé quitte la salle en colère dénonçant les membres de la commission et les choix qui ont été faits. Et c’est la fin du huis clos, la fin également de la rencontre. Ses partisans, une dizaine, ont débuté une manifestation au sein même de l’hôtel. Choqué, un responsable de Marriott demande aux participants de vider les lieux sur-le-champ. Sinon…
Jean Chavannes Jeune, Clarens Renois et Jean Palème Mathurin sont les trois candidats qui ont passé la première étape avant ce qui devait conduire au choix unique. « Cela a été difficile. Dans un premier temps, ces choix ont été le fruit d’un consensus, mais ce n’est pas fini », indique au Nouvelliste Clarens Renois. Il souligne que le représentant du pasteur Maxo Joseph et Lucien Jephthé n’ont pas participé au vote ni accepté le choix.
« Les membres de la commission de médiation n’avaient pas à participer au vote », dénonce avec virulence Lucien Jephthé, appuyé par ses participants qui lançaient des propos hostiles à l’endroit de la commission. Il accuse la Fédération protestante d’Haïti de manipuler le vote.
La tension a montée d’un cran à l’hôtel Marriott au point où même la commission de médiation n’a pas pu présenter à la presse le bilan de la journée. Même si la rencontre s’est terminée, comme on dit, en queue de poisson, les cinq candidats consentent et la commission se donnent rendez-vous ce mercredi 3 heures de l’après-midi à la Ligue biblique au Champs de Mars pour terminer le processus.