Le pays a renoué avec l’ordre constitutionnel en organisant dimanche les premières élections depuis 2011 mais les législatives ont été marquées par de nombreux incidents.
Les 5,8 millions d’électeurs inscrits étaient appelés à élire l’ensemble de leurs députés et deux tiers du Sénat, dans le pays le plus pauvre de la Caraïbe et du continent américain. Plus de 1 800 candidats sont en lice pour les 139 postes parlementaires à pourvoir pour ce scrutin.
Dans la matinée, au moins trois centres de votes ont été saccagés dans la capitale Port-au-Prince, les urnes jetées à terre et les bulletins déchirés par des individus encore non identifiés.
Frantz Lerebours, porte-parole de la police nationale d’Haïti, a indiqué à la mi-journée que, sur l’ensemble du pays, 26 centres de vote ont fermé leur portes en avance suite à des violences aux abords ou à l’intérieur. Ces centres, installés dans des établissements scolaires, regroupent chacun plusieurs dizaines de bureaux de vote.
Trois centres de vote auraient été incendiés à Savanette (département du centre), selon la présidente d’un parti d’opposition, Fusion, Edmonde Supplice Beauzile. «Même s’il y a eu des incidents dans quelques centres de vote, en général les problèmes se corrigent,» a déclaré Elena Valenciano, chef de la mission d’observation électorale de l’Union européenne.
Si les partis politiques ont montré un engouement historique pour ces joutes électorales, 128 formations s’étant enregistrées auprès de l’administration, les citoyens ne se sont pas pressés aux urnes.
Dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, qui concentre un tiers de la population, aucune file d’attente ne s’est formée devant les nombreux bureaux de vote. Selon les observateurs nationaux et internationaux, la participation s’est révélée plus importante dans les petites villes de province mais est restée faible à l’échelle du pays.
Importants retards
Nombre de bureaux à travers le pays ont ouvert avec un important retard. En cause, la médiation impossible entre les mandataires des partis politiques. Légalement, tout candidat au poste de député ou sénateur peut être représenté par un mandataire dans les bureaux de vote de sa circonscription. Mais l’abondance de prétendants aux postes parlementaires rend impossible cette observation dans des locaux exigus. «Nous autorisons cinq représentants de partis politiques à assister simultanément aux opérations électorales dans un bureau», avait indiqué Pierre-Louis Opont, le président du CEP, lors d’une conférence de presse jeudi. «C’est aux mandataires de réaliser un tirage au sort pour déterminer un roulement dans leur travail d’observation.»
Mais ces arrangements informels ont été source de nombreux conflits, retardant l’ouverture de bureaux de vote dans la capitale comme en province. Exceptionnellement, le CEP a autorisé quelques centres de vote à rester ouverts au-delà de l’horaire officiel de fermeture, prévu à 16 heures. Dans la majorité des bureaux où le vote a pris fin, le personnel s’activait au décompte des bulletins et à l’établissement du procès-verbal qui fournit le nombre de voix obtenues par chaque candidat dans la circonscription concernée.
En accord avec la loi électorale, aucun média, parti, ou citoyen n’est encore autorisé à publier des résultats, même partiels. Ce n’est qu’après vérification de tous les documents au centre de tabulation, situé dans la capitale Port-au-Prince, où les procès-verbaux sont collectés et examinés, que les premiers résultats seront officialisés par le CEP.
Selon le calendrier électoral, le verdict de ce premier tour des scrutins législatifs sera rendu public le 19 août. Les partis politiques et candidats auront alors trois jours pour contester les résultats. Après délibération par les tribunaux électoraux, les résultats définitifs devraient être publiés le 8 septembre.
Avec ces élections législatives, Haïti ouvre un long processus électoral. Outre ses parlementaires, le pays s’apprête, d’ici la fin de l’année, à élire l’intégralité de ses maires et élus locaux ainsi que son futur président de la République.
En raison d’une crise profonde entre le chef de l’Etat Michel Martelly et l’opposition, aucun scrutin n’a pu être organisé en Haïti depuis 2011, alors que le pays peine toujours à se relever du terrible séisme de 2010, qui a encore aggravé une situation économique et sociale déjà catastrophique.
AFP