Lors de la dernière campagne électorale, l’ancien Premier ministre Evans Paul avait publiquement endossé la candidature de Jovenel Moïse. Aujourd’hui, Evans Paul n’est pas en mesure de définir sa position par rapport à celui qui s’est fait appeler ‘’ Nèg bannann nan’’. S’il dit n’être ni dans l’opposition ni au pouvoir, le leader de la KID a, toutefois, trois points de désaccord avec le Palais national.
Du slogan sarcastique « composer ou décomposer », aujourd’hui c’est un Evans Paul prônant le « vivre-ensemble » qui se présente à la population. Il ne veut pas catégoriquement prendre ses distances ni soutenir les agissements du pouvoir en place. « Je ne suis ni dans l’opposition ni au pouvoir », a avancé l’ancien Premier ministre de Michel Martelly. Il dit être un allié indépendant du pouvoir. Cependant, Evans Paul affiche ses désaccords avec Jovenel Moïse sur trois points, trois décisions du Palais national qui le mettent dans une situation d’inconfort.
De l’inélégance de Jovenel Moïse face à Jocelerme Privert
Le président de la République enlève les privilèges et avantages de son prédécesseur Jocelerme Privert. « Ce n’est pas normal. Je ne m’associe pas à une telle décision », s’est positionné Evans Paul dans une interview accordée mercredi au Nouvelliste. Il a qualifié d’inélégante la décision de Jovenel Moïse. Pour lui, les tentatives d’explication du Palais national ne tiennent pas. « Politiquement, ce n’était pas nécessaire. C’est une décision qui choque toute personne raisonnable dans le pays », a-t-il tancé.
Même si le Palais national indique que cette décision concerne tous les anciens chefs d’Etat provisoires, l’article 7 de l’arrêté montre que la décision concerne uniquement l’ancien président Jocelerme Privert. Selon l’article 7 de l’arrêté présidentiel du 23 septembre 2015, les privilèges accordés aux anciens chefs d’Etat s’étendent sur une période de cinq ans consécutifs à la fin du mandat. Parmi les anciens présidents provisoires encore en vie, Alexandre Boniface, Ertha Pascal Trouillot et Jocelerme Privert, seul le dernier n’a pas encore cinq ans depuis qu’il a été au pouvoir.
Jovenel Moïse enlève donc le privilège à Jocelerme Privert d’avoir un secrétariat : un service de sécurité rapprochée et des moyens de transport adéquats dus à son rang d’ancien chef d’Etat devant être pris en charge par le Trésor public. Il accorde ces avantages exclusivement aux chefs d’Etat élus au suffrage universel.
Evans Paul veut savoir quelle armée Jovenel Moïse compte former
Parce que les Forces armées d’Haïti (FAD’H) avaient fait beaucoup de torts à la population, Evans Paul estime que le pays n’a pas été sensibilisé à l’importance du retour de l’armée. Pour avoir été brutalisé par des membres de l’ancienne armée, M. Paul juge qu’il devait être anti armée et qu’il devrait chercher à se venger. Mais ce n’est pas le cas.
Il est pour une armée. Une armée qui garantit la souveraineté du pays en contrôlant le territoire national et les frontières, aide la population après les désastres, appuie la police nationale quand elle est dépassée… « Mais personne ne va accepter une armée qui va avoir des démêlés avec la population », a-t-il mis en garde.
« La décision de former une armée doit être bien réfléchie. Elle doit répondre à des objectifs clairement partagés par la population », a précisé Evans Paul, qui n’est pas sûr que ce travail a été fait. « La philosophie de l’armée n’a pas été définie… », a-t-il dit.
La Caravane de Jovenel Moïse est un programme improvisé et dangereux, selon Evans Paul
« La Caravane de changement du président de la République est un programme improvisé qui n’est connecté avec les structures de l’Etat », a analysé Evans Paul. Selon lui, la façon dont la Caravane fonctionne devrait étre appelée à gérer des problèmes ponctuels. Or, elle ne charrie pas une vision structurelle et « c’est très dangereux », a critiqué l’ancien chef de gouvernement.
« C’est très dangereux d’avoir un programme qui mobilise autant de ressources et de moyens dont on n’est pas certain de l’avenir… », a-t-il affirmé.
De l’avis de l’ancien chef de la Primature, Jovenel Moïse a fait une erreur de communication quand il dit que la Caravane rentrera au Palais en février 2022 à la fin de son mandat. « Quand on est président, on ne travaille pas pour la durée de son mandat. Les actes posés doivent servir le pays au-delà de votre mandat », petite leçon d’un politicien expérimenté à un entrepreneur agricole devenu président de la République. Evans Paul rappelle au chef de l’Etat que, 70 ans après, il continue de parler en bien de Dumarsais Estimé pour ses réalisations dans le département de l’Artibonite.
Après la pérennisation de la Caravane, Evans Paul questionne également le coût du programme présidentiel et les résultats attendus.
Jovenel Moïse et Evans Paul ne se parlent pratiquement pas depuis environ quatre mois. Non que les deux hommes aient un quelconque différend mais c’est que M. Paul ne cherche pas à voir le président et Jovenel Moïse non plus. En dépit de ses désaccords avec le chef de l’Etat, Evans Paul croit que ce qui est le plus important aujourd’hui c’est le « vivre-ensemble ».
Robenson Geffrard source le nouvelliste