Guy Philippe a écopé de neuf ans de prison grâce à une entente avec la justice américaine pour éviter une plus lourde peine. La peine minimale et le prononcé du verdict le 21 juin, soit deux semaines avant la première date annoncée, suggèrent que l’ex-rebelle a peut-être fait des délations qui devraient inquiéter ses complices.
Guy Philippe, 49 ans, sénateur élu de la Grand‘Anse, a été condamné à neuf ans de prison par un tribunal fédéral de Miami pour avoir accepté entre 1,5 et 3,5 millions de dollars américains de trafiquants de drogue colombiens entre 1999 et 2003 pour sécuriser des cargaisons de cocaïne envoyées aux États-Unis. Guy Philippe, qui avait trouvé une entente avec la justice américaine pour éviter plus de 20 ans d’emprisonnement en avril dernier, n’a rien dit après que la juge Cecilia Altonaga eût prononcé le verdict, a rapporté Miami Herald, le mercredi 21 juin 2017.
« Ce que vous voyez au tribunal est le résultat d’un compromis entre les deux parties. Le défendeur, Guy Philippe, a renoncé à son droit d’avoir un procès et le gouvernement américain a renoncé à ses chances d’obtenir une plus longue peine », a indiqué Alan Ross, l’un des deux avocats de l’ex-commissaire de police et chef rebelle. La situation de la défense s’est compliquée lorsque les avocats ont voulu que tout se passe de la manière la plus souple possible dans l’intérêt de leur client dont la femme, Natalie, n’était pas présente au tribunal.
Réaction haïtienne
Au Parlement haïtien, la condamnation du sénateur élu de la Grand ’Anse Guy Philippe ne tient pas debout les parlementaires comme ce fut le cas lors de son arrestation le 5 janvier dernier. Cependant, le sénateur de l’Ouest Jean Renel Sénatus, qui a voté en faveur de la résolution condamnant l’arrestation et l’extradition vers les Etats unis d’Amérique de l’homme fort de Pestel, tient encore à l’esprit de cette résolution que Jean Renel Sénatus confie être « prêt à voter une autre fois pour condamner un acte anticonstitutionnel ».
« De même que le secrétaire d’État à la sécurité intérieure des Etats-Unis John Kelly eut à déclarer que son pays ne peut qu’appliquer la loi dans l’affaire du TPS des Haïtiens, nous aussi, nous avons une Constitution à faire respecter », avance l’élu de l’Ouest. Et pour se tirer de la question de trafic de stupéfiants retenue contre Guy Philippe, Jean Renel Sénatus conclut avec un peu d’humour en soulignant n’être pas responsable si le sénateur élu de la Grand’Anse « a mis la patte dans le sac du diable ».
En avril dernier, un communiqué de l’ambassade des États-Unis, citant des fonctionnaires de plusieurs entités fédérales impliquées dans la répression du trafic de drogue et de blanchiment d’argent en rapport avec le trafic de la drogue, avait indiqué que Guy Philippe avait admis avoir utilisé son rang et son autorité pour « sécuriser des cargaisons de drogue arrivant en Haïti en échange de paiement ».
L’ex-commissaire de police, dont les aveux sont consignés dans son entente avec la justice américaine, avait reconnu avoir reçu entre juin 1999 et avril 2003 entre 1.5 et 3,5 millions de dollars de trafiquants de drogue tout en sachant pertinemment que cela constituait le paiement de la vente de cocaïne à Miami, en Floride et ailleurs aux Etats-Unis. Guy Philippe, poursuit le communiqué, a admis aussi avoir partagé une portion de ces paiements avec des officiels de la PNH et d’autres membres du personnel de sécurité pour s’assurer de leur support dans la sécurisation d’autres cargaisons de drogue.
Guy Philippe avait reconnu avoir utilisé l’argent de la drogue pour acheter une maison à Broward, en Floride. Le communiqué de l’ambassade des Etats-Unis avait indiqué que Guy Philippe a transféré 376 000 dollars provenant de la vente de cocaïne de banques d’Haïti, d’Équateur à son compte conjoint à Miami. Il a utilisé d’autres noms lors de ces transferts pour ne pas être découvert. Pour ne pas éveiller de soupçon dans une autre transaction, l’ex-haut gradé de la police a fait des dépôts de moins de 10 000 dollars us. Le montant total avait excédé 70 000 dollars us.
« Guy Philippe a mis de côté sa responsabilité de protéger et servir le peuple haïtien. Il a plutôt abusé de sa position et de son autorité de haut gradé de la police pour sécuriser des cargaisons de drogue et faire du blanchiment », avait indiqué le procureur du district sud de la Floride, Benjamin J. Greenberg, dans ce communiqué. « Il est important que Guy Philippe accepte les conséquences de ses actes criminels en rapport avec le trafic de drogue contre les Etats-Unis et le peuple haïtien », a dit l’agent spécial de la DEA, Adolphus P. Wright, soulignant « que peu importe le temps que cela prend, les autorités américaines et leurs partenaires à l’étranger ne se lasseront pas de rechercher et de traîner devant la justice les responsables de trafic de drogue et de blanchiment de l’argent de la drogue ».
Les autorités américaines ont loué la coopération de leurs services avec les autorités haïtiennes et la Brigade de lutte contre le trafic de stupéfiants de la PNH. Cette investigation internationale démontre la possibilité de réussite dans l’identification et la production de preuves solides contre des membres d’organisations de trafiquants de drogue et des responsables corrompus, a indiqué Matthew G. Donahue, agent spécial en charge de la division caribéenne de la DEA. Guy Philippe a violé la confiance du peuple haïtien, des gens de la Caraïbe et des Etats-Unis, avait-il soutenu.
Des analystes bien imbus du fonctionnement de la justice américaine soulignent qu’il faudra s’attendre à des rebondissements. La réduction de peine n’est jamais gratuite, ont-ils souligné. Entre-temps, en Haïti, ni l’Inspection générale de la PNH ni la Justice n’ont annoncé l’ouverture d’une enquête afin de savoir si des policiers ayant reçu de l’argent de Guy Philippe pour sécuriser les cargaisons de cocaïne envoyées aux Etats-Unis ne sont pas toujours en fonction.